dimanche 12 décembre 2010

Le temps en débat



Qu'est-ce qui fait durer le temps ?

Avec Étienne Klein, physicien (CEA) et Virginie Van Wassenhove, chercheuse en neurosciences cognitives (Neurospin CEA/Inserm).

dimanche 28 novembre 2010

Bipolaire

Jean – prénom d’emprunt –  est âgé de 15 ans. Il bénéficie d’un suivi psychologique depuis plusieurs années au niveau d’un CMP (Centre Médico-Psychologique) et il était prévu qu’il puisse intégrer un groupe thérapeutique dans le cadre d’un CATTP (Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel) pour Adolescents. Le médecin traitant avait prescrit depuis plusieurs semaines un traitement antidépresseur.
Il se présente avec ses parents au service des Urgences pédiatriques. Ses parents expliquent que, depuis deux ou trois mois, il ne va pas bien. Ils ont observé chez lui un fléchissement de l’humeur pouvant même aller jusqu’à l’expression d’idées suicidaires… Son humeur est cependant très variable, il est en proie à un état d’excitation inhabituel… Cet état tend à s’aggraver ; il est insomniaque et son comportement est de moins en moins cohérent… Lorsque Jean est arrivé aux Urgences, il avait eu une altercation avec ses parents ; il avait décidé qu’il ne dormirait pas dans la maison et il envisageait de passer la nuit dans le jardin… Précisons qu’en cette fin du mois de novembre, une vague de froid s’est abattue sur le pays et que les températures nocturnes se situent nettement en dessous du zéro.
Au moment de son admission, nous observons une logorrhée, soit une tendance à beaucoup parler, une tachypsychie, soit un emballement de la pensée, une instabilité au plan psychomoteur avec une incapacité à rester en place et le besoin de toujours manipuler des objets… Jean a cependant une certaine conscience des troubles qu’il présente et il accepte au départ l’aide que nous lui proposons, soit un temps d’hospitalisation afin de réajuster son traitement.
Le tableau clinique est très évocateur d’un accès maniaque. En faveur de ce diagnostic, nous retrouvons des antécédents familiaux de troubles maniacodépressifs : la mère a présenté des décompensations dépressives sévères avec des signes psychotiques associés, épisodes pathologiques ayant nécessité des hospitalisations en milieu spécialisé. Elle est encore suivie au niveau d’un CMP et elle est prend un traitement associant antidépresseur et régulateur de l’humeur. Le grand-père maternel s’est suicidé. Il n’y aurait aucun membre de la famille de la mère qui ne présenterait, sous une forme plus ou moins sévère, des troubles de l’humeur.
La décompensation actuelle de Jean semble avoir débuté par une symptomatologie dépressive ; le virage maniaque observé a sûrement pu être favorisé par le traitement antidépresseur prescrit par le généraliste. Nous suspendons bien évidemment ce traitement et prescrivons un médicament à visée sédative et un régulateur de l’humeur.
La première journée passée à l’hôpital se déroule à peu près bien, même si Jean réclame une surveillance particulière. La situation se complique le lendemain : Jean fait une première fugue… Il quitte le service sans autorisation ; il se rend au commissariat de police pour déposer une plainte pour un vol dont il aurait été victime au lycée… Ramené dans le service, il fugue une nouvelle fois un peu plus tard ; il a alors dans l’idée d’aller faire un footing en ville… Les infirmières se retrouvent débordées…  Il est encore une fois fait appel au service de sécurité de l’hôpital… Le commissariat est informé de cette nouvelle fugue. Jean réintègre le service un peu plus tard.
Le service de pédiatrie n’est pas un service fermé ; il est bien évident que les soignants ne peuvent exercer une surveillance constante auprès d’un enfant de sorte que ce genre de difficulté n’est pas évitable… Ceci constitue une limite dans les prises en charge "psy" que nous pouvons offrir : un minimum de coopération est requis chez les jeunes que nous accueillons.
Jean a tendance à s’énerver de plus en plus, il se considère "en prison" à l’hôpital, il commence à refuser les traitements que nous lui proposons. Dans ces conditions, nous n’avons d’autre choix que d’envisager son transfert dans un service spécialisé.
Plusieurs réflexions à partir de cette situation clinique. La sévérité des troubles présentés est à prendre en compte : le risque de passage à l’acte est important et Jean est susceptible de mettre sa vie en péril, soit par un geste auto agressif tel qu’une tentative de suicide, soit par des conduites dangereuses avec de sa part une complète méconnaissance des risques auxquels il s’expose.
Dans un tel contexte, il est indéniable que des mesures thérapeutiques énergiques s’imposent avec le recours à des traitements médicamenteux et une hospitalisation en milieu spécialisé à partir du moment où sa décompensation atteint un seuil d’intensité tel qu’un maintien dans sa famille devient impossible. Une seule approche psychothérapique est alors inopérante, même s’il est utile de prévoir sa poursuite, une fois rétabli un certain équilibre au plan de l’humeur.
La question du déterminisme des troubles est également à poser. Il est reconnu que les facteurs génétiques interviennent de façon importante dans les troubles bipolaires : les antécédents familiaux dans la famille de la mère de Jean sont très illustratifs de ce point de vue. Même s’ils existent et s’ils doivent être considérés, il y a donc lieu de ne pas surestimer des facteurs d’ordre affectifs, comme le fait pour Jean d’avoir été précocement confronté à des difficultés familiales liées à la pathologie mentale de ses proches.
S'il n'existe pas de données scientifiques incontestables en ce domaine, certaines études ont retrouvé des anomalies cérébrales chez des sujets bipolaires... (cf. Imagerie limbique et hippocampique dans le trouble bipolaire de l’humeur chez l’enfant et l’adolescent)
A consulter également un site consacré aux Troubles bipolaires

samedi 6 novembre 2010

La dernière séance

La profession de pédopsychiatre nous amène parfois à être confrontés à des problématiques familiales singulières. Je ne résiste pas à l’envie de vous faire partager l’une d’entre elles dont le "traitement" n’aura pas été moins singulier.
Alexandre – il s’agit bien sûr d’un prénom d’emprunt – est âgé de 15 ans et il est sur le point de rentrer au lycée, en seconde générale. Le motif de la consultation est le suivant : alors qu’il était chez un copain, il y a environ un an, il a vu un film d’épouvante qui l’a fort impressionné, étant précisé que, depuis qu’il est enfant, il est d’un tempérament anxieux. Depuis cet événement, il ne peut dormir seul ; il a déserté sa chambre et il ne peut s’endormir qu’aux côtés de l’un de ses parents, de préférence sa mère, mais parfois aussi son père. Par ailleurs, il est mentionné une difficulté annexe, elle bien plus courante chez les adolescents – il a en effet tendance à être un peu trop "accro" aux jeux vidéos sur Internet.
La première consultation se déroule un peu avant les vacances d’été. Je pointe évidemment le caractère "anormal" de la situation qui m’est présentée, sans toutefois faire directement référence à notre cher complexe d’Œdipe, pierre angulaire dans la compréhension de la psychopathologie de l’enfant. J’indique que la période estivale me paraît propice pour faire évoluer les choses, en remettant en question les habitudes prises au niveau du coucher. J’incite Alexandre à prendre un peu de distance vis-à-vis de sa famille… Sa mère se propose de réaménager sa chambre afin qu’il ait davantage envie de la réinvestir.
Les vacances se passent et je revois Alexandre un peu après la rentrée scolaire. Aucune évolution au niveau du coucher… Une partie des échanges avec lui, puis avec sa mère, porte sur son addiction à l’ordinateur et aux jeux vidéos. A nouveau, quelques conseils sont prodigués afin de tenter de provoquer des changements,  tant pour le coucher que pour l’ordinateur.
La dernière rencontre se déroule juste après les vacances de la Toussaint. Premier temps, une discussion avec Alexandre qui m’indique qu’il a essayé une fois de dormir seul, mais qu’il n’y est pas arrivé et qu’il continue donc de dormir avec sa mère… J’avoue que je commence à perdre un peu patience et très rapidement je lui demande pourquoi il n’a essayé qu’une seule fois… Alexandre finira par me dire qu’il ne sait pas pourquoi la situation est telle qu’elle est, mais que, au fond de lui, il n’a guère envie que cela change… Je l’interroge sur les réactions de ses parents… Je fais référence, dans une perspective systémique, aux notions d’homéostasie des systèmes et de résistance au changement…
Concernant les jeux vidéos, un élément remarquable à pointer : Alexandre m’indique qu’il passe beaucoup moins de temps que précédemment sur l’ordinateur, mais qu’il passe maintenant un temps assez important sur sa console de jeux. Sa mère confirme qu’il est moins souvent sur l’ordinateur, mais que "toute la famille" vient de se cotiser pour lui offrir, à l’occasion de son anniversaire, une console de jeu PS3… (???!!!)
L’entretien se termine et l’on reparle avec la mère du blocage persistant autour de la question du coucher. Je reprends la discussion déjà abordée avec Alexandre sur les notions d’homéostasie et de résistance au changement... Je commence par évoquer l’intérêt d’une approche familiale du problème.
« Tu viendras ici tant que le problème ne sera pas réglé… » affirme la mère sur un ton déterminé, s'adressant à son fils – le patient étant ainsi clairement désigné de même que la place qu'elle souhaite m'assigner avec le rôle qu'elle voudrait me voir jouer dans cette configuration familiale. Au préalable, elle avait  indiqué qu'il était peu probable que les autres membres de la famille s'associent à une thérapie, n'étant pas directement concernés.
Je ne l’entends pas ainsi : j’indique que je ne fixe pas de nouveau rendez-vous et que je ne suis pas disposé à revoir Alexandre tant qu’aucune modification ne sera intervenue au niveau du déroulement du coucher ; je lui laisse la possibilité de reprendre contact avec moi uniquement après qu'un changement concret ait eu lieu à ce niveau... Je donne par ailleurs les coordonnées d’un collègue à qui la famille peut s’adresser en vue de la mise en route d’une thérapie familiale. Je mets alors fin à l’entretien.
Il s’agit de mon dernier rendez-vous et il est déjà un peu tard… Je commence à ranger mes affaires. La porte de mon bureau reste entrouverte, comme c’est le cas habituellement lorsque je ne suis pas en entretien.
La mère se présente à la porte quelques instants après avoir quitté le bureau pour me demander si j’avais pour habitude de renvoyer ainsi mes patients ; elle rajoute qu’Alexandre ne reviendra de toute façon pas me voir, soit que le blocage se lève et il n’aurait alors plus besoin de moi, soit qu’il persiste et elle s’adresserait dans ce cas à un professionnel "plus compétent" que moi.
Elle n’avait visiblement pas été insensible au caractère paradoxal de ma position de thérapeute qui pouvait se ramener au fait que je n’acceptais de revoir mon patient qu’une fois le symptôme disparu… Je prenais ainsi acte de l’impuissance qui était la mienne dans ce contexte, tout en me soustrayant à l'emprise que la mère cherchait à établir sur le cadre thérapeutique et en faisant une ouverture en direction d’une approche familiale.
Cette position paradoxale m’a paru sur le moment la seule tenable, face au paradoxe auquel je me trouvais moi-même confronté, dans cette situation familiale singulière : il viendra vous voir tout le temps qu’il faudra… Certes mais en attendant, tout le monde s’accommode de la situation. L'attachement de la famille au symptôme est manifeste autour de la question des jeux vidéos... Non seulement il y a une indiscutable complaisance, mais la famille dans son ensemble alimente et entretient ce qui fait symptôme. Il  ne fait aucun doute qu'il en est exactement de même pour ce qui se rapporte au coucher.
Il se trouve que je n’étais nullement disposé à jouer le jeu, à  me retrouver de connivence avec la mère et à apporter en quelque sorte ma caution, en tant que thérapeute, à cette dynamique familiale dysfonctionnelle. En quittant le bureau, la mère était visiblement assez en colère après moi et Alexandre s’efforçait de la raisonner : « Mais non, maman… C’est toi qui a tort… ».
Sans doute avais-je perdu un patient, mais au moins me restait-il la satisfaction d’avoir un peu bousculé un certain ordre établi…

samedi 23 octobre 2010

Retour sur les neurosciences

C’est avec un grand plaisir et un intérêt certain que j’ai pu revoir et réécouter François ANSERMET et Pierre MAGISTRETTI lors de la journée du 22/10/2010 au Centre social de l’hôpital du Vinatier, journée organisée par l’Institut des Sciences Cognitives sur le thème "La trace précoce : comment la psyché vient au bébé ?".
Rappelons quel en était l’argument :
"Inscription des expériences précoces, traces phylogénétiques, épigenèse interactionnelle, plasticité cérébrale, transmission transgénérationnelle, mémoire(s) procédurale ou déclarative, amnésie infantile, capacité d’oubli : la question des traces traverse tout le développement, la psychopathologie et le domaine du soin psychique. Les connaissances récemment acquises sur les effets de l’environnement, sur la croissance et l’organisation cérébrale, sur les effets de l’exposition du bébé au stress relationnel, ne peuvent échapper aux cliniciens et aux chercheurs. Ces avancées permettent de construire une relecture du développement très précoce, mais aussi de mettre en lien des concepts de la métapsychologie freudienne avec des données scientifiques, notamment dans le champ de la psychanalyse du bébé, de construire des modèles opérants pour les psychothérapies, et d’étayer des démarches de prévention. Il reste à penser la manière dont peuvent s’articuler des champs à priori aussi éloignés : visée complémentariste à la Devereux, (afin d’éviter les sauts qualitatifs trop importants) ou réductionnisme stérilisant ? Le cerveau du bébé est un continent encore à explorer avec en ligne de mire ce qui caractérise l’humain : la psyché".
Je n’ai pas encore lu le nouveau livre des deux conférenciers paru le 30/09/2010, "Les énigmes du plaisir", qui a servi de base à leur exposé, mais je viens à l’instant de passer commande sur Internet. J’avais lu leur premier ouvrage auquel j’ai déjà eu l’occasion de me référer "A chacun son cerveau" et j’avais pu les entendre une première fois lors des journées de Lille du 5 et 6 juin 2009 "Psychopathologie de l’enfant et neurosciences"*, journées au cours desquelles j’avais eu moi-même l’honneur de présenter une communication "Freud au pays des neurosciences"… Ces quelques petits rappels pour ceux qui auraient manqué les premiers épisodes – Blog Saison I :  "Psychanalyse et neurosciences".
Avec les nouvelles réflexions des deux auteurs, j’ai constaté avec plaisir qu’une jonction pouvait s’opérer avec la thématique abordée dans la Saison II sur la question de la temporalité. J’avais à peine esquissé cette piste dans un billet intitulé "Pas le temps" : "Du manque de temps au temps du manque... Je vous laisse méditer sur ce thème…" y avais-je écrit. J’avais alors en tête de reprendre sous l’angle de la temporalité l’expérience de satisfaction développée par FREUD dans "L’esquisse", ce que je n’avais pas fait, faute de temps. Or, c’est un des thèmes qui a pu être développé lors de la journée du 22/10/2010 à Lyon : selon François ANSERMET, un lien entre psychanalyse et neurosciences peut s’établir autour de la question de la temporalité.
Du point de vue des neurosciences Pierre MAGISTRETTI a pu rappeler dans le cadre général de la plasticité cérébrale comment se constituaient les assemblées de neurones avec une loi physiologique qui fait que deux neurones activés en même temps auront tendance à se réunir dans un même réseau neuronal. Il a été individualisé au niveau du cerveau  des systèmes détecteurs de coïncidence. Le parallélisme avec ce que FREUD écrivait dans "L’esquisse" est saisissant : "Or, il existe une loi fondamentale d’association par simultanéité et cette loi joue au cours de l’activité Ψ pure (durant la reproduction par le souvenir) et donne le fondement de toutes les connexions entre neurones Ψ", une citation pour souligner une nouvelle fois le caractère visionnaire de son œuvre  – le texte a été écrit en 1895 –  et  en réaction à certains de ses détracteurs (cf. un article du 17/10/2010  du philosophe Michel ONFRAY dans le Monde intitulé "La parapsychologie freudienne" qui me paraît très discutable, pour user d’une litote).
D’un point de vue plus psychologique, François ANSERMET a pu souligner le caractère discontinu du vécu du nourrisson, l’inscription de l’expérience dans une chronologie n’étant possible que chez l’enfant plus âgé, après une maturation suffisante de son système nerveux. Cependant, ce qui est décrit dans l’expérience de satisfaction avec une séquence qui débute avec l’état de détresse du nourrisson en proie à la sensation de faim et qui se résout par l’intervention secourable de la mère qui vient satisfaire son besoin va pouvoir instaurer un rythme premier autour d'une alternance déplaisir/plaisir : il importe que la réponse de la mère soit adaptée au besoin de l’enfant, mais aussi qu’elle survienne au bon moment, ni trop tôt, ni trop tard et avec une certaine régularité au fur et à mesure que l’expérience se répète… D’autres intervenants durant cette journée ont pu insister sur l’importance de la synchronisation dans les interactions précoces entre le bébé et sa maman.
La plasticité cérébrale peut s’envisager comme un phénomène spatial avec des modifications structurelles du cerveau, mais plus encore comme un phénomène temporel. Elle renvoie à un changement permanent, à une discontinuité fondamentale qui peut faire dire qu’on ne pense jamais deux fois avec le même cerveau. Cette discontinuité survient cependant sur un fond de continuité, laquelle constitue l’identité du sujet.
Une distinction très pertinente a pu être pointée entre développement et devenir : la notion de développement renvoie au déroulement d’un programme préétabli, déterminé par le code génétique par exemple : la plasticité cérébrale permet un affranchissement par rapport à ce qui serait un pur déterminisme développemental et ouvre la voie au devenir, où le sujet retrouve un certain degré de liberté, où il y a place pour la créativité,  la contingence, l’imprévisibilité…
La richesse du contenu de cette journée ne permet pas d’être exhaustif. Peut-être la lecture de l’ouvrage "Les énigmes du plaisir" me donnera l’occasion de revenir sur certains aspects que je n’ai pu reprendre dans le cadre de ce bref aperçu.
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* Le numéro de septembre 2010 de la revue Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence est consacré à ces journées, pour ceux que le sujet intéresse.

jeudi 9 septembre 2010

Les principes de PEETERS

Malgré le mauvais temps, les grèves et les manifestations, la conférence du 07/09/2010 de Théo PEETERS "Autisme : de la compréhension théorique vers l’intervention éducative" a rassemblé autour de 400 personnes selon nos propres estimations, celles de la police ne nous ayant pas été communiquées.
La très belle salle de "L’Atelier" à Villefranche sur Saône a accueilli de nombreux participants venus des plusieurs départements de la région : professionnels issus de différents horizons – institutions médico-sociales, éducation nationale, secteur de la santé… mais également de nombreux parents d’enfant autiste.
Cette manifestation était organisée par l’APAJH* avec l’implication de l’ensemble de l’équipe du SESSAD** S’Calade et le soutien du Centre de Ressource Autisme de la région Rhône-Alpes et de l’association ARA (Autisme Rhône Ain).
Théo PEETERS, neurolinguiste belge, dirige à Anvers un centre pilote consacré à l’autisme et assure des programmes de formation auprès de nombreuses équipes. Il est depuis longtemps un des promoteurs au niveau international des prises en charge éducatives en ce domaine.
En nous faisant partager son expérience personnelle et en faisant référence à de nombreux auteurs, qu’ils soient professionnels ou autistes de haut niveau, il a pu aborder à partir d’exemples concrets de multiples aspects de ce trouble envahissant du développement.
Théo PEETERS a insisté sur le style cognitif particulier qui est celui des autistes, avec un mode très singulier du traitement des informations : domination du domaine perceptuel et difficulté au plan conceptuel et au niveau de l’abstraction ; sensibilité au détail et incapacité à percevoir les éléments dans leur ensemble avec les relations qui les unissent… Ceci a inévitablement des incidences sur les capacités à attribuer une signification à ce qui est perçu, sur la communication avec autrui et sur la compréhension des situations sociales ; il en découle le risque de voir se développer des troubles du comportement, en lien avec ces difficultés. Ceux-ci ne constituent que la partie émergée de l’iceberg, selon une image développée par Théo PEETERS, la partie immergée correspondant aux troubles cognitifs sous-jacents qu’il importe de mieux comprendre afin de prévenir au maximum les problèmes de comportement tels que les stéréotypies ou les conduites autoagressives.
Une autre image prise pour illustrer le vécu autistique est celle d’un sujet qui se retrouverait sur un terrain de football, au milieu d’autres joueurs alors qu’il ignorerait totalement le règles du jeu. Il aurait la possibilité de s’isoler complètement et de s’extraire du jeu ; il pourrait également rester passif et ne répondre que dans une faible mesure lorsqu’il serait directement sollicité ; dans d’autres cas, il pourrait se montrer davantage actif, mais avec une conduite décalée et bizarre, de par sa compréhension très fragmentaire de la situation dans laquelle il se trouve.
Une action préventive telle qu’elle est préconisée passe par un aménagement de l’environnement du sujet autiste afin de le lui rendre plus lisible, plus compréhensible, plus prévisible. Le recours à des supports visuels est à privilégier. Il est nécessaire d’ajuster les activités qui sont proposées aux capacités de l’enfant, ce qui implique de les avoir préalablement évaluées de la manière la plus précise possible ; il convient également de s’assurer que ce qui est attendu de lui a bien été compris. Enfin, il est souhaitable d’adapter ces activités en fonction des intérêts que peut manifester l’enfant, la motivation constituant un moteur essentiel de la prise en charge.
Un autre des enseignements à retenir porte sur la place fondamentale des parents dans la prise en charge de l’enfant autiste : si les professionnels peuvent être considérés comme des experts de l’autisme, en général, les parents sont eux les meilleurs experts pour le cas particulier de leur enfant. Ce sont eux qui le connaissent le mieux, pour s’en être occupés durant des années, pour avoir appris à décrypter au fil du temps ses émotions, sa manière personnelle de communiquer… Une étroite collaboration entre parents et professionnels est donc indispensable pour répondre du mieux possible aux besoins de l’enfant et pour l’aider à progresser.
Pour des développements plus poussés autour de ces différents sujets à peine esquissés, nous ne pouvons que renvoyer au livre de Théo PEETERS "L'autisme : De la compréhension à l'intervention".
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* APAJH : Association pour Adultes et Jeunes Handicapés
** SESSAD : Service d'Education Spéciale et de Soins A Domicile

mercredi 16 juin 2010

Ilot de décélération

Je reprends là une expression plusieurs fois employée par HARTMUT Rosa dans son livre déjà cité "Accélération – Une critique sociale du temps". L’idée en est la suivante : l’accélération touche différents secteurs de la société, le progrès dans les sciences et la technologie, les évolutions des valeurs et des mœurs, le rythme de vie… Mais ces accélérations ne sont pas homogènes dans les différents domaines et au milieu peuvent subsister ce qu’il appelle des îlots ou des oasis de décélération.
Je garde en mémoire une expérience personnelle qui m’a profondément marqué et qui pourrait fort bien illustrer cette notion. Il y a très très longtemps de cela – je devais à peine débuter mes études de médecine – nanti de mon BAFA (Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur), je travaillais durant les périodes de vacances scolaires comme animateur de centre de vacances. Cet été-là, j’avais été embauché dans une colonie maternelle qui accueillait des enfants âgés entre 3 et 6 ans ; je m’occupais du groupe des plus jeunes. Les enfants étaient originaires de la région parisienne et la colonie de vacances se déroulait sur une période d'un mois en forêt de Fontainebleau.
Le principe qui avait été retenu par l’équipe d’encadrement était fort simple, mais d'un certain point de vue assez révolutionnaire : tout au long de l’année, les parents imposent aux enfants leur propre rythme de vie, du fait de leurs contraintes pour les transports, leur vie professionnelle… Durant cette période de vacances, ce sont les adultes qui allaient s’efforcer d’adopter le rythme de vie des enfants.
Cela commençait le matin avec le lever, le petit déjeuner, la toilette et l’habillage… S’il nous restait une petite heure pour aller faire une promenade avant le repas de midi, c’était bien le maximum… Et la promenade se déroulait sur le même principe : si un enfant s’arrêtait sur le bord du chemin pour observer une fleur, un insecte ou un simple caillou, nous nous arrêtions avec lui… Nous pouvions nous permettre cela car nous disposions d’un encadrement suffisamment nombreux (un animateur pour trois enfants sur le groupe des petits). Nous parvenions à parcourir ainsi 150 ou 200 mètres les premiers jours, un peu plus sur la fin du séjour, dans la mesure où les abords immédiats du centre avaient déjà été suffisamment explorés.
Et la même chose se répétait ensuite avec le repas de midi, la sieste, l’activité de l’après-midi, le goûter et le repas du soir…. Et de même les jours suivants… Les activités à proprement parler se réduisaient à peu de choses, la majorité du temps étant consacrée aux actes de la vie quotidienne. Paradoxalement, le temps paraissait bien rempli, dense… A aucun moment nous ne ressentions lassitude ou ennui dans ce qui pouvait apparaître, de l’extérieur, comme un temps vide et répétitif.
Je vous laisse imaginer le vécu émotionnel qui a été le nôtre quand, à la fin du séjour, après avoir raccompagné les enfants sur leur lieu de vie habituel, en banlieue parisienne, notre groupe d’animateurs s’est retrouvé dans le métro…
Aurions-nous directement débarqué de Papouasie que le choc des cultures n’en aurait pas été plus violent !!!

dimanche 6 juin 2010

a = Δv / Δt

Dans le prolongement de mon billet du 20/02/2010 "L’air du temps" ou de celui du 20/03/2010 "Pas le temps" et en écho à certaines remarques qui ont pu être faites lors de la journée de réflexion théorico-clinique du 03/06/2010* sur la question de la temporalité, je ne saurais trop vous conseiller la lecture d’un livre publié au mois d’avril de cette année intitulé : "Accélération – Une critique sociale du temps". L’auteur en est HARTMUT Rosa, un sociologue et philosophe, né en 1965 et professeur à l'université Friedrich-Schiller de Iéna en Allemagne.
En voici brièvement résumé l’argument, tel qu’il est présenté en quatrième de couverture :
« L'expérience majeure de la modernité est celle de l'accélération. Nous le savons et l'éprouvons chaque jour : dans la société moderne, "tout devient toujours plus rapide". Or le temps a longtemps été négligé dans les analyses de la modernité au profit des processus de rationalisation ou d'individualisation. C'est pourtant le temps et son accélération qui, aux yeux de Hartmut Rosa, permettent de comprendre la dynamique de la modernité.
Pour ce faire, il livre dans cet ouvrage une théorie de l'accélération sociale susceptible de penser ensemble l'accélération technique (celle des transports, de la communication, etc.), l'accélération du changement social (des styles de vie, des structures familiales, des affiliations politiques et religieuses) et l'accélération du rythme de vie, qui se manifeste par une expérience de stress et de manque de temps.
La modernité tardive, à partir des années 1970, connaît une formidable poussée d'accélération dans ces trois dimensions. Au point qu'elle en vient à menacer le projet même de la modernité : dissolution des attentes et des identités, sentiment d'impuissance, "détemporalisation" de l'histoire et de la vie, etc. L'auteur montre que la désynchronisation des évolutions socioéconomiques et la dissolution de l'action politique font peser une grave menace sur la possibilité même du progrès social ».
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* Journée de réflexion organisée par le service de pédopsychiatrie - Pôle 69i06 - du Centre hospitalier de Saint-Cyr au Mont d'Or

samedi 29 mai 2010

O tempora, o mores !


Réalisé par Mélanie FLEURY (et inspiré par Salvador DALI)

samedi 20 mars 2010

Pas le temps

"Pas le temps..." Combien de fois avons-nous eu l'occasion de formuler ou d'entendre cette plainte ? Une meilleure organisation et une meilleure gestion du temps peuvent-elle combler ce manque ?
Le rapport entre le temps et le manque pourrait sûrement donner lieu à de très longs développements, mais malheureusement, le temps me manque...
Du manque de temps au temps du manque... Je vous laisse méditer sur ce thème avec pour illustration ce monochrome blanc.
Non, non, n'insistez pas, je n'ai vraiment pas le temps.

dimanche 14 mars 2010

En voie de développement (2)

Dans la pratique la plus ordinaire de pédopsychiatre, une attention particulière est portée à l’évolution de l’enfant sur le plan psychomoteur, cognitif, affectif.
Chez le jeune enfant, certaines observations ou éléments anamnestiques vont permettre d’apprécier les toutes premières étapes de son développement et les mettre en regard de ce qui s’observe habituellement chez des enfants d’âge équivalent. Parmi bien d'autres, des diagnostics de "retard global de développement", de "troubles envahissants du développement" ou encore de "troubles spécifiques du développement" peuvent être ainsi évoqués.
Au plan psychomoteur par exemple : Comment l’enfant régule-t-il son tonus ? De quelle façon parvient-il à coordonner ses mouvements ? Quel est son mode de préhension, de déplacement ? A quel âge la marche autonome a-t-elle été acquise ?… Au plan de langage, il est utile de repérer l’apparition des premiers mots, des premières phrases, de l’utilisation du "je". L’âge d’acquisition de la propreté diurne et nocturne fait également l’objet des investigations de base du clinicien.
L’évaluation du développement de l’enfant au plan cognitif peut s'envisager en référence aux données de la psychologie génétique (ce terme renvoie ici à la notion de genèse et non à celle de gène) et en particulier aux travaux de Piaget qui individualise les classiques périodes sensori-motrice, pré-opératoire, des opérations concrètes et des opérations abstraites.
Une approche similaire au plan affectif se retrouve dans les travaux de Freud, même si la question de la temporalité dans la théorie psychanalytique ne peut se réduire à ce seul aspect. La découverte freudienne a mis l’accent sur l’importance de l’enfance dans la compréhension de ce qui se joue chez l’adulte - une part d’infantile subsiste chez le sujet tout au long de sa vie ; l’importance de la sexualité a été également mise en valeur comme élément déterminant dans la constitution de sa personnalité. L’affirmation de l’existence d’une sexualité infantile, communément admise de nos jours, n’a pas été un des moindres scandales liés à l’expansion de la psychanalyse.
Classiquement, le déploiement de la sexualité et le développement affectif afférent se font sur un mode biphasique. A une période initiale de la prime enfance, jusqu’à l’âge de six ans environ, riche au plan du développement pulsionnel, fait suite une phase de latence où s’observe en théorie une mise en veille des pulsions favorisant des occupations socialement valorisées telles que les apprentissages scolaires ou des activités de loisirs dans le domaine culturel et sportif… La puberté s’accompagne d’un réveil pulsionnel qui va aboutir, avec la traversée d’une période quelque peu critique, à l’accession à une sexualité adulte.
Différents stades de la sexualité infantile ont été individualisés par Freud, en lien avec une zone érogène déterminée et caractérisés par un mode particulier de relation à l’objet : stade oral, stade anal, stade phallique, stade génital… Les pulsions, initialement partielles, vont tendre à s’unifier sous le primat de la zone génitale ; la sexualité au départ centrée sur le sujet, autoérotique, va se tourner vers un objet extérieur… Le conflit œdipien va constituer le pivot central de ce procès.
Dans une perspective similaire, Mélanie KLEIN a décrit chez le jeune enfant la succession des positions schizo-paranoïde et dépressive, chacune se caractérisant par des mécanismes de défense particuliers : clivage de l’objet, identification projective, angoisse persécutive pour la première ; réunification de l’objet, ambivalence, angoisse de perte pour la seconde…
Aux notions de stade libidinal ou de position se rattachent celles de fixation et de régression ; à un stade donné est corrélé un type de personnalité ou un type de pathologie. Tout ceci est archi connu et il n’est nul besoin d’y insister.

dimanche 7 mars 2010

En voie de développement (1)

La notion de développement est incontournable dans le cadre d’une réflexion sur l’enfant et la temporalité. Cela semble une telle évidence que nous courons le risque d’enfoncer quelques portes ouvertes. Acceptons ce risque.
Le développement peut se définir comme l'ensemble des transformations qui affectent les organismes vivants au cours du temps. Il est possible d’individualiser des stades du développement, soit des étapes successives que traverse un organisme au cours du temps, depuis un état initial vers un état final, par exemple depuis le naissance jusqu'à l'âge adulte.
Une des spécificités de la pédopsychiatrie réside justement dans le fait qu’elle s’adresse à un être en développement ; l’enfant ne peut être considéré comme un adulte en miniature, position que l’on qualifierait d’adultomorphique : la transposition pure et simple des concepts de la psychiatrie "adulte" à la psychiatrie 'infanto-juvénile" n’est de ce fait pas pertinente, même si existent des zones de recoupement, en particulier quand on se rapproche de l’âge adulte avec la période de l’adolescence.
Tous les faits d’observation en pédopsychiatrie (symptômes, difficultés, comportement… ) sont à rapporter à un processus dynamique, à une évolution de l’enfant dans le temps. Inexorablement celui-ci va grandir, physiquement bien sûr, en taille et en poids, c’est son développement staturo-pondéral, psychiquement également, ce qui constitue son développement au plan psychomoteur, affectif, cognitif…
En pratique, un comportement donné, selon l’âge de l’enfant chez qui il est observé, soit le moment où il survient, et selon la durée de son évolution pourra s’intégrer dans une étape normale de son développement psychoaffectif ou, au contraire, être le symptôme d’un processus pathologique. Cela peut également nous conduire à une certaine modestie dans l’appréciation que nous portons sur les résultats de nos prises en charge thérapeutiques. Quelle part avons-nous réellement dans les progrès que nous pouvons constater ? Ne sont-ils pas simplement le reflet du développement de l’enfant ?
Précisons que la notion de développement ne se réduit pas à celle de croissance ; elle recouvre différenciation, complexification, maturation… Que l’on pense à l’embryogenèse qui, d’un œuf fécondé, va conduire à la formation d’un organisme complet… Selon Haeckel, "l'ontogenèse récapitule la phylogenèse" : la formation de l'embryon récapitulerait l'histoire évolutive de l'espèce. Tout au moins elle en conserve la trace, peut-on affirmer aujourd’hui.
Que l’on pense également à la maturation du système nerveux que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer avec la constitution de réseaux neuronaux, la formation et la stabilisation de synapses et à l’inverse l’élimination des connexions non fonctionnelles, la myélinisation des fibres nerveuses…
L’immaturité du nouveau-né qui est particulièrement marquée dans l’espèce humaine entraîne une grande vulnérabilité du nourrisson et par-là même une dépendance prolongée par rapport à l’entourage qui doit lui apporter des soins appropriés. Rappelons que le développement de l’enfant est pour une part sous la dépendance de facteurs internes, des facteurs biologiques, génétiques… mais aussi pour une part non moins importante sous la dépendance des interactions de l’enfant avec son entourage, son environnement.
Autre principe très général, l’ordre des étapes à franchir dans un domaine déterminé est relativement immuable, même si d’un enfant à l’autre, le rythme avec lequel ces étapes seront franchies pourra être variable, plus ou moins rapide selon les cas sans que cela ne revête forcément un caractère pathologique. Le franchissement d’une étape va conditionner l’abord des étapes ultérieures, un défaut à un moment donné pouvant hypothéquer le déroulement du processus dans son ensemble.

samedi 20 février 2010

L'air du temps

Se pencher sur la question de la temporalité dans le processus psychothérapique chez l’enfant peut conduire à élargir le champ de sa réflexion en considérant la question du temps d’un point de vue sociétal.
De multiples facteurs entrent en jeu dans le développement psychoaffectif de l’enfant, génétiques, biologiques, éducatifs, familiaux… Les facteurs culturels ne doivent pas être négligés, le terme de culture à entendre dans un sens très large incluant les aspects scientifiques et technologiques ; nous pouvons dire sans trop de risque d’être contredit que les avancées à ce niveau sont en train de bouleverser notre mode de vie et jusqu’à notre façon de penser, de communiquer, d’être en lien avec les autres… Je vous renvoie sur ce thème au premier billet de ce blog en juin 2008, la note de lecture intitulée "En guise d’ouverture" portant sur le livre de Gérard Ayache, Homo sapiens 2.0
Il n’est pas question d’épuiser un sujet qui apparaît très vaste, mais simplement d’ouvrir quelques pistes.
Une des impressions qui domine notre époque est celle de vitesse, d’accélération et cette impression ne résulte pas uniquement de l’avancée en âge de l’auteur de ces lignes : les innovations technologiques se succèdent et se répandent dans le monde entier dans des temps records. Le temps pour qu’une invention telle que l’imprimerie diffuse et ait une incidence palpable dans la société a été de l’ordre du siècle ; si nous considérons des inventions plus récentes telles que l’automobile, la télévision ou la machine à laver, c’est de l’ordre de la décennie ; plus récemment encore avec l’ordinateur, Internet ou le téléphone portable, cela se mesure en années. Les nouveautés d’hier sont déjà largement dépassées, que l’on songe au bon vieux Minitel ou aux premiers jeux vidéos.
Cela confère à notre environnement un caractère très mouvant, évolutif, instable et sollicite fortement nos capacités d’adaptation… Nous avons eu ce privilège de vivre un changement de millénaire, ce qui constitue une expérience exaltante, stimulante mais aussi un brin angoissante, du fait de la part d’imprévisibilité et d’inconnu que cela comporte.
Une des conséquences palpables en est un bouleversement dans le rapport entre générations. La transmission est au cœur de ce rapport : traditionnellement, les anciens, les parents ont à charge de transmettre aux plus jeunes, aux enfants un certain héritage culturel. Or l’environnement évolue à une telle vitesse que les adultes découvrent et intègrent les innovations technologiques en même temps que leurs enfants ; il faut reconnaître que les enfants, doués d’une plus grande plasticité cérébrale, les assimilent avec beaucoup plus de facilité que leurs parents… De nos jours, ce sont les petits-enfants qui enseignent à leurs grands-parents comment se servir d’un ordinateur et surfer sur le Net ; il y a dans ce domaine une inversion flagrante du sens dans lequel s’opère la transmission d’un savoir.
Un effet corollaire de cette accélération du temps social est l’importance accordée à l’instant au détriment de ce qui peut se jouer dans la durée : civilisation du zapping, nous passons sans arrêt d’une chose à l’autre ; n’a de valeur que ce qui est nouveau, ce que vient de sortir, le scoop… Le traitement de l’information est assez exemplaire de ce point de vue… Un fait dont s’emparent les médias va constituer un Buzz sur Internet et sera oublié aussi vite qu’il est apparu, remplacé par un fait plus récent… Nous retrouvons dans ce domaine l’obsolescence rapide qui touche les produits technologiques…
En tant que psychothérapeute, nous avons sûrement à déjouer les écueils que nous pointons liés à cet emballement, ce tourbillon, ces changements à grande vitesse dans lesquels les familles d’aujourd’hui sont entraînées, avec pour conséquence perte de repère et perte de sens. La transmission entre générations ne se limite pas à celle d’un savoir-faire autour des appareils dernier cri… Une mise en perspective historique reste encore indispensable pour apprécier à leur juste valeur les choses de la vie…
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Après avoir rédigé le texte ci-dessus, j’ai pris connaissance de la chronique de Jean-Claude GUILLEBAUD dans le magazine TéléObs du Nouvel Observateur de cette semaine, une chronique que je vous engage à lire et où je retrouve certaines des idées que j’ai tenté de développer.
Deux courts extraits de cet article intitulé "Malaise dans la lecture" (TéléObs n° 2363 du 18 au 24/02/2010) :
"Je veux parler des mutations induites par Internet jusqu’au cœur même de l’acte de lire et conséquemment, de la culture elle-même. Il faut se référer au concept de "technologie définissante" proposé dans les années 1980 par l’essayiste américain Jay David Bolter. Par cette expression, il observait que, d’un siècle à l’autre, les technologies dominantes ont toujours influencé la vision du monde et des dieux que se partageaient les humains".
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"D’abord, sachons que nous ne sommes qu’au tout début de ce prodigieux remodelage intérieur et que nul ne peut encore prévoir quel en sera le point d’arrivée. Comprenons aussi que la prévalence de l’instantané, de l’immédiat, de la versatilité boulimique et de l’oubli conséquent ne gouverne pas seulement la lecture. Elle gagne de proche en proche, l’un après l’autre, tous les comportements sociaux".

jeudi 18 février 2010

Tout est relatif

La relativité dont il est ici question est à prendre au sens trivial du terme et non pas dans une acception scientifique, comme pourrait le laisser supposer l’illustration choisie.
Qu’il me soit permis de partir d’un constat d’une très grande banalité : la perception du temps qui passe varie avec l’âge ; tout le monde vous le dira, plus on vieillit et plus le temps paraît s’écouler vite.
Si l’on y réfléchit, cela peut s’expliquer. Si l’on se réfère à l’espace, l’appréciation de la dimension d’un objet ou d’une distance est fonction de la taille de l’observateur : un petit enfant voit les choses plus grandes, en comparaison à la perception que peut en avoir un sujet arrivé à sa taille d’adulte. Une règle analogue peut s’appliquer à la perception du temps, l’unité de référence étant alors le temps déjà vécu : une durée d’un an pour un enfant de cinq ans correspond à un cinquième de sa vie… Je vous laisse faire le calcul pour un adulte d’âge mûr qui, par exemple, a dépassé la cinquantaine, mais il est évident qu’il ne partage pas exactement la même échelle du temps. Dans notre rencontre avec l’enfant, il n’est sûrement pas inutile de garder à l’esprit cet état de fait : nous avons parfois à nous mettre à sa hauteur, physiquement, dans l’espace ; il peut être utile de tenter de le faire également dans la dimension temporelle.
Cette distorsion dans l’échelle du temps peut représenter un véritable problème quand l’enfant se trouve confronté à une institution dont la lenteur constitue bien souvent une des caractéristiques, en l’occurrence la justice. Il s’agit d’un simple constat et il ne faut voir là aucune critique particulière de cette institution, sachant qu’un reproche du même ordre peut à l’occasion nous être adressé.
Une situation vécue peut illustrer mon propos : un jeune garçon né en 1995 est victime autour de l’âge de 6 ans d’abus sexuels de la part d’un adolescent. Une fois les faits révélés, les parents portent plainte, mais l’auteur ne reconnaît pas ce pour quoi il est mis en cause et, faute d’éléments matériels probants, l’affaire est logiquement classée sans suite. Un suivi psychologique de l’enfant débute sur un CMP. Je le rencontre personnellement en 2003 dans le service de pédiatrie alors qu’il a 8 ans. Il me rapporte des éléments nouveaux qui permettent de rouvrir le dossier judiciaire ; l’affaire est alors instruite. Des témoignages extérieurs viennent confirmer le sien et permettent finalement d’obtenir des aveux au moins partiels de l’auteur des faits. Je revois l’enfant ponctuellement et de loin en loin. Le dernier contact avec lui remonte au début de l’année 2009 : à ce moment-là, l’instruction est close et le procès doit se dérouler dans les mois à venir. A cette occasion, je remets un certificat destiné à l’avocat de l’enfant où je résume l’historique de sa prise en charge psychologique en concluant ainsi :
"Il me paraît important de considérer les délais importants pris pour le traitement judiciaire de cette affaire puisque quasiment sept années séparent les faits du procès, ce qui est loin d’être anodin, rapporté à l’échelle d’un enfant : J. était encore un jeune enfant, il est maintenant dans l’adolescence, alors que le jeune mis en cause qui était adolescent est devenu un adulte. Outre la difficulté liée au réveil de souvenirs douloureux au cours des différentes phases de la procédure judiciaire, il y a lieu de prendre en compte cet effet de distorsion lié au temps qui s’est écoulé au moment où l’affaire doit être jugée".
Le cas décrit peut apparaître extrême, mais il n’est pas rare de trouver des situations comparables dans des divorces très conflictuels où les parents enchaîneront procédures sur procédures, des années durant.

samedi 13 février 2010

Cronos

(Extrait d’un mémoire de criminologie – "Un si long silence" année 2005 -, travail clinique personnel à partir d’une prise en charge psychothérapique d’une jeune adolescente infanticide)

"Si nous nous sommes dans un premier temps intéressé à des causes structurelles, liées à la personnalité de Coralie et à son histoire familiale, il ne faut pas négliger le rôle de causes davantage conjoncturelles dans le déterminisme de son passage à l’acte.

Une configuration des plus défavorables s’observe en effet avec la coïncidence malheureuse entre le décès de la grand-mère, le diagnostic du cancer du père qui présentifie la possibilité de son décès prochain et la survenue de la grossesse de Coralie qui, à peine entrée dans l’adolescence, vient à être brusquement projetée au rang de mère… tous ces événements concourent à une sorte d'emballement intolérable dans la succession des générations.

Par delà la simple volonté d’épargner à sa famille, déjà éprouvée par le deuil et la maladie, des soucis supplémentaires avec la révélation de la grossesse, le passage à l'acte meurtrier peut dans ce sens s'interpréter comme une tentative désespérée pour faire obstacle à cette accélération soudaine du cours de la vie et ainsi éloigner la perspective insoutenable de la mort du père".

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Premier constat : le temps subjectif n’a rien de linéaire ; il peut subir des accélérations, des condensations, des sauts... En aucun cas il ne peut se décrire comme une succession régulière d’unités temporelles qui seraient parfaitement équivalentes, comme cela peut se concevoir dans un modèle mathématique ou physique.
Second constat : la lecture que l’on peut avoir d’un fait clinique peut se rattacher à des éléments structuraux, tenant à la personnalité du sujet, éléments dont on considère à juste titre qu’ils ont une relative stabilité dans le temps, mais aussi à des événements ponctuels, à des accidents bien repérables dans la vie du sujet et à partir desquels il est possible de définir un avant et un après. La question qui se pose est de savoir comment il est possible d’articuler ces deux dimensions dans notre compréhension des faits psychiques… Autrement dit, ne pas réduire la clinique à une dimension événementielle, un inventaire des « life events » des auteurs anglo-saxons, mais ne pas occulter à l’inverse l’impact traumatique et désorganisateur de certains faits vécus par le sujet.

dimanche 7 février 2010

Des séances courtes

Dans le sillage de mes réflexions sur la question des thérapies brèves, je vous propose de considérer l’opposition entre séances courtes et séances à durée fixe, une opposition qui intéresse des courants à l’intérieur même de la communauté psychanalytique, entre les lacaniens d’un côté et les psychanalystes plus "classiques" de l’autre ; les conflits entre ces courants n’ont pas été moins virulents que ceux opposant TCC et psychanalyse ; on va jusqu’à parler d’excommunication pour désigner la mise à l’écart de Lacan par les institutions psychanalytiques officielles en 1963… C’est dire.
Une nouveauté importante introduite par Lacan dans la technique de la psychanalyse a consisté à pratiquer des séances à durée variable (et en pratique plus courtes que la durée standard), la fin de la séance étant sur l’initiative de l’analyste et ne résultant pas simplement d’un certain laps de temps écoulé. L’analyste vient ainsi ponctuer le discours du patient, il y opère une coupure ; il en résulte un effet de scansion dont il est attendu qu’il dynamise le processus analytique.
Nos consultations ou nos séances de psychothérapie ne sont pas des séances d’analyse, mais cependant, elles sont soumises à un certain rythme et elles ont aussi une fin : au cours d’une même consultation, nous pouvons voir l’enfant avec ses parents, puis l’enfant seul ; au cours d’une même séance individuelle, un enfant va pouvoir discuter avec nous en abordant des éléments de sa réalité quotidienne, dans sa famille ou à l’école, puis se laisser entraîner dans une production imaginaire au travers de la réalisation d’un dessin ou d’un jeu ; de la même façon, dans les activités de groupe, il y aura souvent un rituel de début de séance, l’activité proprement dite, puis un rituel de fin…
Dans tous ces cas, il est sûrement intéressant d’être très attentif au rythme que nous imprimons à l’acte thérapeutique et à la façon dont sont amenées et se déroulent les phases de transition entre les différents temps qui le constituent : à quel moment et en quels termes allons nous inviter les parents à rejoindre la salle d’attente ou proposer à l’enfant de réaliser un dessin ? Comment, au fil des séances, un rythme propre à chaque enfant va pouvoir s’instaurer ? Voilà quelques exemples de questions que nous pouvons être amenés à nous poser…
Dans la conduite de nos entretiens ou de nos séances psychothérapiques, nous devons sûrement composer le mieux possible avec le temps : un rythme régulier et stable pourra être rassurant pour l’enfant, mais il pourra être utile parfois de casser ce rythme pour éviter de s'installer dans une routine ennuyeuse…

vendredi 5 février 2010

Des thérapies brèves

Il n’est nullement dans mon intention de faire ici la promotion des thérapies brèves, mais simplement de m’attarder sur ces zones de friction entre des courants de pensée différents et de considérer les éventuelles retombées de ces conflits déjà anciens dans les représentations que nous pouvons avoir de nos pratiques d’aujourd’hui, particulièrement du point de vue de la temporalité.
Les thérapies brèves qui se rattachent principalement au modèle des thérapies comportementales et cognitives (TCC) s’opposent de longue date aux thérapies d’inspiration psychanalytique et cette opposition peut s’exprimer parfois dans des termes très virulents.
Pour brièvement résumer, on peut dire que les soignants qui se réclament des TCC reprochent aux analystes et assimilés des prises en charge psychothérapiques longues, pouvant être très coûteuses et n’ayant pas fait la preuve de leur efficacité ; d’ailleurs, les analystes eux-mêmes vont jusqu’à affirmer que la guérison du patient ne survient que de surcroît.
De leur côté, les analystes reprochent aux thérapies brèves d’être superficielles, exclusivement attachées à la disparition du symptôme, mais sans entraîner de véritable changement en profondeur chez le patient, ce qui, au mieux, ne peut conduire qu’à simplement déplacer le problème.
J’ai conscience de me montrer extrêmement réducteur dans cette présentation des positions des uns et des autres, mais il est inutile de s’y attarder pour mon propos. Je souhaite en effet ouvrir quelques pistes de réflexion à partir de là. Dans les faits, qu’on le veuille ou non et pour des raisons multiples, nos prises en charge s’écartent bien souvent de l’idéal représenté par des thérapies longues et en profondeur. Dans bien des circonstances, et en dehors même de ce que j’ai pu décrire de mon activité en pédiatrie, les contacts avec un enfant et sa famille vont se limiter à quelques entretiens. Doit-on pour autant déconsidérer ce qui peut se jouer dans le cadre d’une telle configuration ?
Personnellement, je ne le crois pas… Quelques mots mis sur une souffrance, une écoute bienveillante, une réassurance, une guidance parentale peuvent parfois suffire, au moins dans l’instant. Si une rencontre authentique a pu avoir lieu, elle pourra le cas échéant favoriser, un peu plus tard, si nécessaire, la possibilité d’une approche psychothérapique plus en profondeur.
Je ne crois pas davantage qu’une approche qu’on qualifie de symptomatique soit condamnable ; dans les cas où le symptôme est particulièrement bruyant, je pense au contraire qu’il est préférable de le réduire, le plus tôt possible et par tous les moyens à notre disposition, afin de restaurer un contexte plus apaisé autour de l’enfant, ce qui, dans un second temps, permettra plus aisément d'aborder et de dénouer les conflits en jeu.

mardi 2 février 2010

Une question de tempo

La fréquentation au quotidien des pédiatres et des équipes de soins somatiques constitue une excellente expérience pour un psychiatre, expérience qui ancre sa pratique dans une certaine réalité : «Concrètement…» entend-on souvent au cours de nos réunions. Si, dans les caricatures qui sont parfois faites du psychiatre, celui-ci est décrit comme une personne qui réfléchit beaucoup mais incapable de décider ou d’agir, intervenir dans une unité de soins somatiques constitue la meilleure des garanties pour ne pas tomber dans ce travers.
L’une des différences les plus marquantes porte sur une question de tempo : les situations cliniques auxquelles on se trouve confrontés se présentent le plus souvent sans prévenir et souvent dans un contexte d’urgence. Cela impose à la fois une grande disponibilité et une forte réactivité. Ceci est d’autant plus vrai que le temps consacré à chaque situation est très contracté, de l’ordre de quelques jours pour une hospitalisation et, pour les suivis en ambulatoire, dans le temps d’une consultation unique ou d’un très faible nombre de consultations. Ceci s’oppose point par point à ce qui se pratique habituellement sur les secteurs de pédopsychiatrie où, du fait d’une insuffisance des moyens humains, les délais d’attente sont fréquemment de l’ordre de plusieurs mois et où les suivis s’inscrivent le plus souvent dans la durée, de l’ordre de plusieurs mois à plusieurs années.
Un des enjeux majeurs qui se pose est précisément l’articulation de ces deux temps de prise en charge, en pédiatrie dans les phases aiguës des troubles, et en extra hospitalier, par la suite.
La disponibilité de psychiatre est également un élément essentiel dans le travail avec les familles, toujours important en pédopsychiatrie, mais crucial dans le temps de l’hospitalisation qui correspond souvent à une situation de crise et de remaniement de la dynamique relationnelle au sein de la famille.
(soucieux d'agir au maximum dans le cadre du développement durable, il s'agit d'un texte recyclé extrait du bilan de mon activité en pédiatrie sur la période 2001-2005)
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Avec en bonus le dicton du jour : "Mieux vaut Tahar que jamais" (le Dr Tahar AÏT IDIR est le médecin responsable des Urgences pédiatriques du Centre Hospitalier de Villefranche sur Saône)

A vos agendas…

Qu’il soit sous sa forme papier ou électro-nique, l’agenda reste un outil indispensable dans notre travail au quotidien. En m'adressant plus spécifiquement aux soignants du Pôle 69I06, peut-être avez-vous noté sur le vôtre au 03/06/2010 la journée de réflexion théorico-clinique du service sur la question de la temporalité dans nos pratiques psychothérapiques.
Le thème proposé est intéressant à plus d’un titre : il nous ouvre sur des questions théoriques sûrement très pointues, voire sur des débats d’ordre philosophique, mais, dans le même temps, si j’ose dire, il nous interroge sur des aspects très concrets dans notre pratique de tous les jours. Comment gérons-nous les rendez-vous avec les familles? Dans quel délai sommes-nous en mesure de proposer une première rencontre quand une demande nous est adressée? Quelle durée réservons-nous pour les entretiens? Quel rythme fixons-nous pour les séances avec un enfant? A quel moment envisageons-nous la fin d’une prise en charge ou un relais vers une autre structure de soin?
Comme le commun des mortels, nous sommes soumis au temps qui passe ; nous n’y échappons pas, tous les actes que nous posons en tant que thérapeute s’inscrivent dans une certaine temporalité. Si, bien sûr, l’acte compte en lui-même, le moment où il survient reste de la plus haute importance quant aux effets qu'il est susceptible d'engendrer ; un contretemps peut se révéler très fâcheux en terme d'efficacité.
Pour une part, nous conservons heureusement une certaine maîtrise dans la gestion de nos agendas, mais les contraintes temporelles qui s’imposent à nous tendent à devenir de plus en plus fortes ; la volonté de donner satisfaction au public qui s’adresse à nous en lui apportant des réponses dans un délai raisonnable nous engage malgré nous dans une forme de course contre la montre.

dimanche 31 janvier 2010

Retour vers le futur…

Valentin, 10 ans et demi

«Quand je vais à l’école, j’arrête pas de penser à ma mamie… Je voudrais bien si on pouvait contrôler le temps… Comme si on pouvait faire machine arrière… ’’Coucou, mamie…’’».
La mamie est morte, est-il besoin de le préciser.
«J’ai encore dix ans, mais j’aurai bientôt onze ans…».
Après l’évocation de son anniversaire, Valentin poursuit : «Quand je serai mort, je veux me réincarner en tortue…».
Il avait un peu auparavant parlé de la longévité exceptionnelle des tortues, mais il se ravise : «Non, non, pas en tortue… Je vais redevenir en homme…».


Irréversibilité du temps qui passe, souffrance dans la confrontation au décès d’un proche, laquelle nous renvoie à l’inéluctabilité de notre propre mort, voilà en peu de mots résumée (et assumée) par ce jeune enfant notre humaine condition.
On remarque au passage la condensation revenir-devenir qui illustre à merveille le propos, avec ce double mouvement de retour sur le passé et de projection vers l’avenir.
Cette courte vignette clinique pour amorcer une réflexion autour de la notion du temps dans nos pratiques psychothérapiques…