samedi 20 mars 2010

Pas le temps

"Pas le temps..." Combien de fois avons-nous eu l'occasion de formuler ou d'entendre cette plainte ? Une meilleure organisation et une meilleure gestion du temps peuvent-elle combler ce manque ?
Le rapport entre le temps et le manque pourrait sûrement donner lieu à de très longs développements, mais malheureusement, le temps me manque...
Du manque de temps au temps du manque... Je vous laisse méditer sur ce thème avec pour illustration ce monochrome blanc.
Non, non, n'insistez pas, je n'ai vraiment pas le temps.

dimanche 14 mars 2010

En voie de développement (2)

Dans la pratique la plus ordinaire de pédopsychiatre, une attention particulière est portée à l’évolution de l’enfant sur le plan psychomoteur, cognitif, affectif.
Chez le jeune enfant, certaines observations ou éléments anamnestiques vont permettre d’apprécier les toutes premières étapes de son développement et les mettre en regard de ce qui s’observe habituellement chez des enfants d’âge équivalent. Parmi bien d'autres, des diagnostics de "retard global de développement", de "troubles envahissants du développement" ou encore de "troubles spécifiques du développement" peuvent être ainsi évoqués.
Au plan psychomoteur par exemple : Comment l’enfant régule-t-il son tonus ? De quelle façon parvient-il à coordonner ses mouvements ? Quel est son mode de préhension, de déplacement ? A quel âge la marche autonome a-t-elle été acquise ?… Au plan de langage, il est utile de repérer l’apparition des premiers mots, des premières phrases, de l’utilisation du "je". L’âge d’acquisition de la propreté diurne et nocturne fait également l’objet des investigations de base du clinicien.
L’évaluation du développement de l’enfant au plan cognitif peut s'envisager en référence aux données de la psychologie génétique (ce terme renvoie ici à la notion de genèse et non à celle de gène) et en particulier aux travaux de Piaget qui individualise les classiques périodes sensori-motrice, pré-opératoire, des opérations concrètes et des opérations abstraites.
Une approche similaire au plan affectif se retrouve dans les travaux de Freud, même si la question de la temporalité dans la théorie psychanalytique ne peut se réduire à ce seul aspect. La découverte freudienne a mis l’accent sur l’importance de l’enfance dans la compréhension de ce qui se joue chez l’adulte - une part d’infantile subsiste chez le sujet tout au long de sa vie ; l’importance de la sexualité a été également mise en valeur comme élément déterminant dans la constitution de sa personnalité. L’affirmation de l’existence d’une sexualité infantile, communément admise de nos jours, n’a pas été un des moindres scandales liés à l’expansion de la psychanalyse.
Classiquement, le déploiement de la sexualité et le développement affectif afférent se font sur un mode biphasique. A une période initiale de la prime enfance, jusqu’à l’âge de six ans environ, riche au plan du développement pulsionnel, fait suite une phase de latence où s’observe en théorie une mise en veille des pulsions favorisant des occupations socialement valorisées telles que les apprentissages scolaires ou des activités de loisirs dans le domaine culturel et sportif… La puberté s’accompagne d’un réveil pulsionnel qui va aboutir, avec la traversée d’une période quelque peu critique, à l’accession à une sexualité adulte.
Différents stades de la sexualité infantile ont été individualisés par Freud, en lien avec une zone érogène déterminée et caractérisés par un mode particulier de relation à l’objet : stade oral, stade anal, stade phallique, stade génital… Les pulsions, initialement partielles, vont tendre à s’unifier sous le primat de la zone génitale ; la sexualité au départ centrée sur le sujet, autoérotique, va se tourner vers un objet extérieur… Le conflit œdipien va constituer le pivot central de ce procès.
Dans une perspective similaire, Mélanie KLEIN a décrit chez le jeune enfant la succession des positions schizo-paranoïde et dépressive, chacune se caractérisant par des mécanismes de défense particuliers : clivage de l’objet, identification projective, angoisse persécutive pour la première ; réunification de l’objet, ambivalence, angoisse de perte pour la seconde…
Aux notions de stade libidinal ou de position se rattachent celles de fixation et de régression ; à un stade donné est corrélé un type de personnalité ou un type de pathologie. Tout ceci est archi connu et il n’est nul besoin d’y insister.

dimanche 7 mars 2010

En voie de développement (1)

La notion de développement est incontournable dans le cadre d’une réflexion sur l’enfant et la temporalité. Cela semble une telle évidence que nous courons le risque d’enfoncer quelques portes ouvertes. Acceptons ce risque.
Le développement peut se définir comme l'ensemble des transformations qui affectent les organismes vivants au cours du temps. Il est possible d’individualiser des stades du développement, soit des étapes successives que traverse un organisme au cours du temps, depuis un état initial vers un état final, par exemple depuis le naissance jusqu'à l'âge adulte.
Une des spécificités de la pédopsychiatrie réside justement dans le fait qu’elle s’adresse à un être en développement ; l’enfant ne peut être considéré comme un adulte en miniature, position que l’on qualifierait d’adultomorphique : la transposition pure et simple des concepts de la psychiatrie "adulte" à la psychiatrie 'infanto-juvénile" n’est de ce fait pas pertinente, même si existent des zones de recoupement, en particulier quand on se rapproche de l’âge adulte avec la période de l’adolescence.
Tous les faits d’observation en pédopsychiatrie (symptômes, difficultés, comportement… ) sont à rapporter à un processus dynamique, à une évolution de l’enfant dans le temps. Inexorablement celui-ci va grandir, physiquement bien sûr, en taille et en poids, c’est son développement staturo-pondéral, psychiquement également, ce qui constitue son développement au plan psychomoteur, affectif, cognitif…
En pratique, un comportement donné, selon l’âge de l’enfant chez qui il est observé, soit le moment où il survient, et selon la durée de son évolution pourra s’intégrer dans une étape normale de son développement psychoaffectif ou, au contraire, être le symptôme d’un processus pathologique. Cela peut également nous conduire à une certaine modestie dans l’appréciation que nous portons sur les résultats de nos prises en charge thérapeutiques. Quelle part avons-nous réellement dans les progrès que nous pouvons constater ? Ne sont-ils pas simplement le reflet du développement de l’enfant ?
Précisons que la notion de développement ne se réduit pas à celle de croissance ; elle recouvre différenciation, complexification, maturation… Que l’on pense à l’embryogenèse qui, d’un œuf fécondé, va conduire à la formation d’un organisme complet… Selon Haeckel, "l'ontogenèse récapitule la phylogenèse" : la formation de l'embryon récapitulerait l'histoire évolutive de l'espèce. Tout au moins elle en conserve la trace, peut-on affirmer aujourd’hui.
Que l’on pense également à la maturation du système nerveux que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer avec la constitution de réseaux neuronaux, la formation et la stabilisation de synapses et à l’inverse l’élimination des connexions non fonctionnelles, la myélinisation des fibres nerveuses…
L’immaturité du nouveau-né qui est particulièrement marquée dans l’espèce humaine entraîne une grande vulnérabilité du nourrisson et par-là même une dépendance prolongée par rapport à l’entourage qui doit lui apporter des soins appropriés. Rappelons que le développement de l’enfant est pour une part sous la dépendance de facteurs internes, des facteurs biologiques, génétiques… mais aussi pour une part non moins importante sous la dépendance des interactions de l’enfant avec son entourage, son environnement.
Autre principe très général, l’ordre des étapes à franchir dans un domaine déterminé est relativement immuable, même si d’un enfant à l’autre, le rythme avec lequel ces étapes seront franchies pourra être variable, plus ou moins rapide selon les cas sans que cela ne revête forcément un caractère pathologique. Le franchissement d’une étape va conditionner l’abord des étapes ultérieures, un défaut à un moment donné pouvant hypothéquer le déroulement du processus dans son ensemble.