jeudi 24 novembre 2011

mardi 15 novembre 2011

Vidéos

Deux vidéos bien sympas sur l'autisme

Mon petit frère de la Lune




Le voyage de Maria

samedi 15 octobre 2011

Temps et autisme - Introduction

La clinique de l’autisme décrite depuis de nombreuses années s’affine de plus en plus. La connaissance de ses soubassements neuropsychologiques progresse également et permet une meilleure compréhension de cette pathologie et conséquemment la mise en œuvre de prises en charge diversifiées et adaptées. Le traitement de l’information est reconnu comme fondamentalement différent chez l’enfant autiste : il est possible que, pour une part, cette différence puisse être rapportée à des difficultés ou des singularités dans l’appréhension qu’il peut avoir du temps.
La description princeps de l’autisme faite par Kanner soulignait déjà le besoin d’immuabilité, comme si le temps devait se figer… L’incapacité à anticiper constitue un des facteurs participant aux difficultés d’adaptation des autistes et l’éducation structurée a dans ses principes fondamentaux le fait d’aménager l’environnement de l’enfant afin qu’il soit davantage compréhensible et prévisible. Les échanges avec autrui impliquent de nombreux mécanismes subtils d’ajustement parmi lesquels la synchronisation des interactions joue un rôle essentiel…
Ainsi, il nous semble utile d’être mieux à même de caractériser les particularités de la perception et du vécu du temps chez les autistes, tout en soulignant les liens pouvant exister entre ces difficultés et d’autres pouvant s’observer dans d’autres domaines, en particulier dans celui de la communication, des interactions sociales, du langage…
A la lumière de ces connaissances, il peut être intéressant de reconsidérer les outils couramment utilisés dans les prises en charge pour travailler sur la question de la temporalité (emploi du temps dans ses différentes formes, time timer, travail sur la chronologie et le rythme…) et éventuellement d’en imaginer de nouveaux.
Il est ensuite incontestable que l’ensemble de nos prises en charge, quels qu’en soient les objectifs et les modalités, s’inscrivent dans une certaine temporalité et qu’il peut être utile de se questionner sur ce point. L’enfant autiste a à s’adapter au rythme de l’institution assurant son accompagnement éducatif et ses rééducations. Cette institution est soumise en elle-même à de nombreuses contraintes sociales : horaires de travail des professionnels, rythme sur l’année scolaire… Par ailleurs, elle ne travaille pas isolément et doit s’articuler avec d’autres institutions et tout particulièrement l’école, ce qui est source de nouvelles contraintes sur l’organisation des soins… Le processus de socialisation implique certainement que l’autiste puisse intégrer un certain nombre de rythmes imposés par la société, mais peut-être qu’à certains moments, les contraintes de cet ordre sont démesurées et débordent largement ses capacités d’adaptation.

La temporalité revisitée



mercredi 22 juin 2011

Violence et famille

Les 20 et 21 juin, un colloque était organisé à Paris par "Psy & Crimino" sur le thème "Violence et famille – Comprendre pour prévenir", un thème qui se situait parfaitement dans le prolongement de celui choisi pour la journée théorico-clinique du Pôle I06 "Violence, agressivité, angoisse" du 9 juin dernier au Centre hospitalier de Saint-Cyr au Mont d'Or.
Différentes situations ont pu être étudiées des plus banales comme les maltraitances à enfant, les violences conjugales au plus graves comme l’inceste, les homicides, les infanticides… L’abord de ces différentes situations se voulait résolument pluridisciplinaire.
Pour tous ceux qui sont intéressés par le sujet, mais qui n’ont pas eu la possibilité de participer à ces deux journées, une bonne nouvelle, la parution d’un livre aux éditions Dunod sous la direction de Roland COUTANCEAU dont le titre reprend l’intitulé du colloque et qui rassemble l’essentiel des communications présentées.
La violence est un thème très prégnant à notre époque, dont l’actualité est régulièrement entretenue par des faits divers dont s’emparent médias et hommes politiques : pour les derniers en date, on peut citer une jeune lycéenne de 17 ans tuée dans l’Ardèche alors qu’elle faisait du jogging et une collégienne de 13 ans mortellement blessée dans l’Hérault par le frère d’une de ses camarades avec qui elle avait eu un différend lié à une rivalité amoureuse la semaine précédente. Si l’émotion suscitée par de tels faits divers est légitime, l’exploitation qui peut en être faite est elle davantage contestable.
L’émotion doit laisser la place à la réflexion, laquelle peut permettre de se déprendre de certains a priori. Parmi ceux-ci, le fait que le sentiment d’insécurité est le plus souvent rapporté à la peur de ce qui peut apparaître comme le plus éloigné du sujet : l’étranger, l’immigré, le malade mental, le pervers ou le délinquant multirécidiviste… avec toutes les mesures sécuritaires que l’ont peu imaginer pour s'en prémunir, quitte à ce que certains droits fondamentaux s’en trouvent remis en cause.
Or les statistiques criminologiques sont unanimes : quel que soit le type de violences, des plus communes au plus graves – maltraitance, violences simples, homicides, abus sexuels… – l’auteur est bien plus souvent une personne connue de sa victime, un proche ou un membre de sa famille, qu’une personne qui lui est totalement étrangère, croisée par hasard, au détour d’un chemin.
L’espace clos de la famille que l’on pourrait supposer constituer pour tout sujet un milieu protecteur, un refuge, peut en fait se révéler dans certains cas comme le lieu de tous les dangers.

dimanche 12 juin 2011

2ème journée de réflexion théorico-clinique du pôle I06

Le jeudi 9 juin 2011 se tenait au Centre hospitalier de Saint-Cyr au Mont d’Or la 2ème journée de réflexion théorico-clinique du pôle I06 autour du thème "Angoisse, Agressivité, Violence" avec la participation du Professeur Bernard GOLSE.
Rappelons quel en était l’argument :
"Nous sommes tous amenés, quelle que soit notre place, à rencontrer un moment de violence, soit celle que l'on attribue à l'autre, soit celle que l'on éprouve soi-même. Cette dénomination qui porte au regard de notre société une connotation négative en nous proposant d'en faire l'objet d'une déclaration recouvre cependant des réalités cliniques bien différentes. L'agressivité est une activité mentale assez élaborée et secondarisée alors que la violence demeure une réaction agie déclenchée par une angoisse peu représentée. C'est ainsi que l'agressivité inclut une problématique triangulaire œdipienne alors que la violence demeure de l'ordre préœdipien ou instinctuel. Angoisse, agressivité, violence, comment sommes nous confrontés à des difficultés lors de nos prises en charge, qu'elles soient individuelles ou groupales, institutionnelles ou non ? Comment assume-t-on la violence inhérente à toute rencontre ? Quels sont les mécanismes de défense mobilisés tant chez nos patients qu'à notre niveau ? Quels en sont les Destins ? La journée Théorico-clinique de cette année tentera d'y apporter des éléments de réflexion".
Il faut tout particulièrement remercier pour sa participation le Professeur Bernard GOLSE qui a su se montrer attentif aux situations exposées et nous apporter son éclairage avec à la fois une grande pertinence et beaucoup de simplicité.
Résumons brièvement son parcours :
"Pédiatre de formation, Pédopsychiatre et Psychanalyste (à l’Association Psychanalytique de France), Bernard Golse est chef de service de Pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades à Paris et Professeur de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université René Descartes (Paris V). Après des études de linguistique, une thèse de sciences et un doctorat de biologie humaine consacrés à l’approche des processus psychotiques précoces, il devient médecin-chef de l’Hôpital de jour pour très jeunes enfants autistes et psychotiques que le Professeur Michel Soulé avait créé à l’Institut de Puériculture de Paris, fonction qu’il exercera de 1983 à 1993. Spécialiste du développement précoce et des niveaux archaïques du fonctionnement psychique, il s’intéresse tout particulièrement à la mise en place de la psyché chez l’enfant et à l’instauration des processus de sémiotisation et de symbolisation. Les relations entre la musique et les racines du langage lui importent au plus haut point. Il est actuellement membre du Conseil Supérieur de l’Adoption, membre de l’exécutif de l’IACAPAP (Association Internationale de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et des Professions Affiliées) et membre fondateur de l’AEPEA (Association Européenne de Psychopathologie de l’Enfant et de l’Adolescent). Il anime actuellement tout un courant de recherches dans le champ de la Psychiatrie Périnatale, courant qui vise à prendre en compte l’ensemble des acquis des neurosciences et de la psychologie développementale sans renoncer pour autant aux fondements de la réflexion métapsychologique".

Trois interventions étaient au programme :
  • « Sébastien ou l’enfant du clivage » présentée par une infirmière et une assistante sociale du Centre Pierre Mâle (hôpital de jour de Gleizé)
  • « Comment échapper à la fée Carabosse ou les surprises de l’anti destin »  présentée par une psychologue de l’hôpital de jour « Les Primevères » de Saint-Cyr avec la participation d’une psychologue du Centre Médico-Psychologique du Bois d’Oingt
  • « Tranche de vie d’un CATTP : des attaques tout azimut à une alliance contre » présentée par une infirmière, une psychomotricienne, une orthophoniste et une psychologue du Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel de Anse.
Je pense refléter l’opinion de la grande majorité des participants en soulignant l’intérêt et la richesse de cette journée. Présenter une situation clinique dans laquelle une équipe a pu se trouver à un moment donné confrontée à des difficultés, s’exposer ainsi au regard de ses collègues et d’un invité prestigieux pourrait sembler un exercice difficile : cela a pu se faire avec simplicité, l’humour qui ponctuait certaines interventions n’enlevant rien à leur intérêt clinique. Les présentations à plusieurs voix donnaient à mon sens une bonne représentation d’un certain esprit d’équipe.
Mon seul regret est que cette journée se soit terminée un peu trop prématurément – du fait des contraintes horaires de notre invité – et que la place laissée aux échanges à l'issue des trois présentations en ait été trop réduite, d’où une certaine frustration.
Pour prolonger  cette journée, je vous propose une des nombreuses réflexions qu’elle a pu susciter chez moi, tout en incitant mes collègues à suivre mon exemple en nous faisant part des leurs.
Je repartirai pour cela d’une des interrogations de Bernard GOLSE à propos du cas présenté par le CATTP de Anse : à au moins deux reprises, il a questionné les intervenants pour savoir si le récit donné de cette prise en charge de groupe correspondait véritablement à son déroulement ou s’il avait pu être remanié, pour les besoins de la présentation qui en était faite.
La réponse étant qu’il correspondait bien au déroulement de la prise en charge, Bernard GOLSE soulignait à quel point cela illustrait la théorie psychanalytique : pour le dire brièvement, il y avait une phase initiale où la problématique se situait autour des enveloppes corporelles, puis elle se déplaçait dans le registre de l’oralité et de l’analité pour aboutir finalement à un registre génital où se posait la question de la différenciation sexuelle (précisons que ce groupe était composé d’enfants âgés d’environ 6 ans).
Sans remettre en cause l’intérêt théorico-clinique de cette présentation, il me semble que l’interrogation de Bernard GOLSE porte sur une question épistémologique délicate qui a pu alimenter certaines critiques adressées à la théorie psychanalytique et qu’il importe selon moi de ne pas trop vite escamoter. En quoi ou dans quelle mesure une expérience clinique est-elle susceptible de valider une théorie ?
Il existe à l’évidence un écart entre toute expérience vécue et le récit qui peut en être fait secondairement. Cet écart peut être plus ou moins grand, en fonction du degré de correspondance entre le niveau de l’expérience et celui du récit…
Premier question qui se pose : le récit a-t-il pu être arrangé, bidouillé pour le dire un peu familièrement, afin qu’il soit plus présentable ?  Rappelons que c’est un des reproches qui a pu être fait concernant les cas cliniques princeps de Freud.
En dehors de toute volonté consciente de s’arranger avec la réalité vécue, une autre question se pose : une expérience ne peut être appréhendée qu’au travers du prisme de nos représentations… En quoi cela peut-il constituer un biais ? Nous serions en quelque sorte formatés et nous ne retiendrions de l’expérience que ce qui correspond à nos présupposés théoriques tout en ignorant ce qui ne rentrerait pas dans notre système de représentations…
Dernière critique qui pourrait être faite : le cadre même des prises en charge que nous proposons ne peut être complètement neutre et il est déterminé par les fondements théoriques qui sont les nôtres, de sorte qu’on ne peut écarter le fait que le cadre fixé au départ influe sur le déroulement de l’expérience et l’oriente dans le sens de nos présupposés théoriques.
La journée organisée pour la deuxième fois au niveau du Pôle I06 se voulant théorico-clinique il me semblait intéressant de profiter de l’occasion pour vous soumettre quelques questions qui peuvent se poser sur le lien qui unit la théorie et la clinique.

jeudi 28 avril 2011

On bat un enfant

A l'occasion de la Journée internationale contre les violences éducatives du 30 avril, un article dans le journal Le Monde du 27/04/2011 : "Une campagne télé pour dénoncer la fessée".
Ci-dessous le clip de la campagne lancée sur ce sujet par  La Fondation pour l'enfance.
Ne doutons pas que ce clip suscitera certainement bien des réactions : à l'heure où l'autorité parentale se trouve si fréquemment prise en défaut et où la jeunesse n'est trop souvent considérée qu'au travers du danger qu'elle représente, il peut être mal vu de remettre en question ce que bon nombre considère comme une nécessité dans l'éducation des enfants. Le message du clip a le mérite d'être clair, la violence dans l'éducation s'inscrit dans du transgénérationnel : cela se répète, cela se transmet...
Je garde très présent en souvenir l'émoi, puis les réflexions au sein de l'équipe d'un hôpital de jour qu'avait pu occasionner un incident survenu avec un enfant difficile lorsqu'un infirmier lui avait donné une gifle. Précisons que ces faits sont déjà anciens - il y a prescription - et que j'avais présenté mes excuses à la famille, au nom de l'équipe. J'avais alors écrit un court texte destiné à  l'équipe.
"On bat un enfant... Sous ce titre un brin provocateur se trouve rassemblée une double référence : tout d'abord à l'oeuvre freudienne, jusqu'ici un des piliers théoriques majeurs qui sous-tend l'action de soin de notre institution ; en second lieu un passage à l'acte récent, une gifle donnée à l'un des enfants pris en charge, gifle qui vient faire brèche dans notre fonctionnement institutionnel.
Passé le temps de l'émotion, du malaise, des excuses doit venir celui de la réflexion. Il ne saurait être différé ; il ne serait pas sain de ne pas tirer tous les enseignements de ce regrettable incident avant le départ en vacances.
Il ne s'agit bien sûr pas de la mise en cause personnelle de l'un d'entre nous dont nous connaissons et le dévouement, et les compétences professionnelles. Il s'agit au contraire d'un exercice collectif, associant chacun d'entre nous, interrogeant l'hôpital de jour dans son ensemble qu'il s'agisse de son fonctionnement actuel, de son histoire récente ou plus ancienne.
Je souhaiterais que ces circonstances particulières soient l'occasion d'un retour sur les prinicipes fondamentaux qui guident notre travail auprès des enfants et de leur famille pour que se dissipe au maximum ce malaise dans l'institution dont l'incident récent est le révélateur".
Quelques temps auparavant, un fait avait marqué une campagne électorale pour les élections présidentielles, une gifle administrée par François BAYROU à un jeune qui tentait de lui faire les poches, geste qui lui avait valu quelques points de plus dans les sondages d'opinion.
Le journal déjà cité, dans son article "La paire de baffes, un "moyen énergique" de calmer un jeune, selon Jérôme Cahuzac", fait état d'un fait analogue récent avec le député maire de Villeneuve-sur-Lot, le socialiste Jérôme Cahuzac, lequel estime avoir eu une réaction "adaptée et proportionnée" en assénant, vendredi 22 avril, deux gifles à un jeune qui l'avait "insulté" et "bousculé". C'est notre histoire immédiate qui bégaye !
Toujours sur le même sujet je vous renvoie au blog de Jean-Pierre Rosenczveig , Juge des enfants, et à son billet du 30/04/2011 : "La fessée et la gifle (légitimement) en question" . Les idées qu'il y expose sont des plus intéressantes.

lundi 25 avril 2011

Les nourrissons victimes de violences

Sur le blog de Laurent Mucchielli, sociologue, un billet intitulé "Les morts violentes de nourrissons" qui signale la parution en février 2011 d'un rapport de recherche  pour le compte de l'Observatoire National de l'Enfance en Danger (ONED) sous la direction de Anne Tursz (INSERM-CNRS): "Les morts violentes de nourrissons : Trajectoires des auteurs, traitements judiciaires des affaires".

Un court extrait du rapport nous y est proposé ; des liens nous renvoient au site de l'ONED :
Pour ceux que le sujet intéresse, j'avais écrit en 2005 un mémoire de criminologie :  
"Un si long silence… A propos d’un cas d’adolescente infanticide" 
(un exemplaire au format PDF peut être adressé sur simple demande ...)

dimanche 27 mars 2011

Il n’est point honteux de boiter

"Was man nicht erfliegen kann, muss man erhinken... die Schrift sagt es ist keine Schande zu hinken"
En allemand, pour faire plus savant, c'est la citation complète de FREUD dans sa lettre à Fliess du 20/10/1895 du poète RUCKERT, citation reprise dans Au-delà du principe de plaisir : "Ce qu’on ne peut atteindre en volant, il faut l’atteindre en boitant… L'Écriture nous dit qu’il n’est point honteux de boiter".
En ces périodes troublées où l’actualité nous procure peu de motif de réconfort, le cinéma a pu m’offrir une certaine consolation avec deux films vus relativement récemment.
Ces deux films ont en commun d’avoir remporté un grand succès tant auprès des critiques qu’auprès du grand public.
Le succès rencontré par le premier "Des hommes et des dieux" de Xavier Beauvois peut paraître surprenant, la religion dans ce qu’elle peut avoir de plus positif, la spiritualité, la tolérance, le don de soi… n’étant pas des valeurs très prégnantes dans notre société d’aujourd’hui où dominent au contraire matérialisme, individualisme, rejet de l’autre… Sans doute un manque-à-être se fait-il sentir dans ce contexte auquel l’expérience de ces moines exilés en Algérie est venue répondre.
J’ai eu un sentiment un peu analogue à la vision du second film sur lequel je m’étendrais davantage "Le discours d’un roi" de Tom Hooper : à l’heure où la psychanalyse est tant décriée, l’intérêt suscité par le parcours du roi Georges VI a quelque chose qui pourrait sembler anachronique…
Pour ceux qui n’en auraient pas entendu parler, l’histoire est la suivante  -  je reprends le synopsis proposé sur le site du film  : "D’après l’histoire vraie et méconnue du père de l’actuelle Reine Elisabeth, qui va devenir, contraint et forcé, le Roi George VI (Colin Firth), suite à l’abdication de son frère Edouard VIII (Guy Pearce). D’apparence fragile, incapable de s’exprimer en public, considéré par certains comme inapte à la fonction, George VI tentera de surmonter son handicap grâce au soutien indéfectible de sa femme (Helena Bonham Carter) et d’affronter ses peurs avec l’aide d’un thérapeute du langage (Geoffrey Rush) aux méthodes peu conventionnelles. Il devra vaincre son bégaiement pour assumer pleinement son rôle, et faire de son empire le premier rempart contre l’Allemagne nazie".
Ne nous y trompons pas, "le thérapeute du langage aux méthodes peu conventionnelles" tient davantage du psychanalyste que de l’orthophoniste ; le film nous apprend d’ailleurs qu’il n’est nullement diplômé en ce domaine. Sans vouloir en donner une lecture trop réductionniste, il est évident que cette histoire renvoie à des questions cruciales pour la psychanalyse : la fonction symbolique, la difficulté à soutenir une parole, la difficulté à occuper la place du père, les enjeux de rivalité fraternelle qui se greffent sur cette question, la castration dont le bégaiement est le symptôme évident…
Cette trajectoire personnelle du roi Georges VI est d’autant plus touchante qu’elle s’inscrit dans un contexte historique particulier avec la montée du nazisme où l’on retrouve là une autre figure du père, elle beaucoup plus inquiétante, la pire, en la personne d’Hitler : père primitif, tout-puissant, tyrannique, non soumis à la castration et à la loi symbolique…
Un film à vivement recommander à ceux qui ne l'auraient pas encore vu... Il donne à méditer, en ces périodes troublées...

mercredi 23 mars 2011

Famille d'accueil

Un prochain Conseil de Pôle du service de pédopsychiatrie doit aborder une réflexion portant sur les enfants placés en famille d'accueil et sur l'incidence que cela peut avoir sur nos prises en charge thérapeutiques.
J'ai repensé à un texte qui date quelque peu que j'avais écrit à l'occasion d'une "Journée du Placement Familial Thérapeutique" organisée à la Clinique psychothérapique de Rozès, le 3 Octobre 1991 sur le thème suivant "La place de la famille d'accueil dans le processus thérapeutique".
La Clinique de Rozès est en fait le Centre hospitalier spécialisé du département de l'Ariège, lequel est situé à Saint-Lizier, petite commune à côté de Saint-Girons. C'est dans cet établissement que j'ai fait une grande partie de mon internat. En 1991, j'y étais assistant... Cela ne nous rajeunit pas !
Bien que datant de 20 ans, les réflexions que je faisais alors ne me paraissent pas complètement démodées : j'y évoquais la place souvent inconfortable des familles d'accueil, dans un entre-deux, une position intermédiaire entre celle de parent et celle de professionnel...
*
*    *
« Pour entamer cette journée, je vous ferai part de quelques réflexions personnelles que m'a inspiré la lecture des comptes rendus de la journée d'Albi. Je ne ferai pas de longs développements, n'ayant d'autre prétention que d'amorcer notre réflexion de ce jour, et je laisserai rapidement la parole à l'éducateur de l'équipe de P.F. de Tarbes, qui faute de temps, avait été empêché de s'exprimer lors de notre précédente rencontre.
Une phrase entre autre a accroché mon regard, dans l'exposé du cas de Martial, présenté par notre équipe.
"Martial fait l'objet d'un rejet global et la situation parait être complètement bloquée. Les perspectives d'évolution paraissent peu favorables et c'est dans un sentiment de pessimisme ambiant que vont être proposés à l'enfant et à sa famille une aide de type psychothérapique et un déplacement dans une famille d'accueil".
Phrase qui traduit bien une impression générale quant au Placement familial : ce n'est pas un moyen thérapeutique banal auquel on pense en première intention. Bien au contraire, on ne l'envisage qu'en dernier recours, quand la situation apparaît désespérée, rebelle aux autres moyens thérapeutiques "plus doux" qui ont notre préférence habituellement (de type psychothérapie, rééducations diverses, visite à domicile...).
Les trois cas exposés la dernière fois le vérifient : que ce soit le cas de Christine présenté par l'équipe d'Albi, celui de Séverine présenté par l'équipe de Thuir ou celui de Martial, on retrouve dans des proportions variables des difficultés très importantes au niveau de la pathologie individuelle et du contexte socio-familial.
Cette impression générale, cette réticence du praticien à recourir au Placement Familial, n'est sûrement pas sans fondement et elle atteste :
- d'une part, d'une certaine efficacité de ce mode thérapeutique dans la mesure où on ne l'envisage que dans les cas graves,
- d'autre part et corrélativement, du risque inhérent à ce type de traitement qui, s'il possède un effet thérapeutique, n'est pas sans effet secondaire. Comme dans l'ensemble de la pratique médicale, les risques encourus d'effets indésirables ne pourront être pris qu'en fonction des bénéfices que l'on peut espérer de la méthode thérapeutique.
Si j'ai cité cette phrase, c'est également à cause du terme de déplacement. J'avoue qu'à la lecture du texte, j'étais persuadé qu'il s'agissait d'une erreur de la secrétaire ou d'un lapsus calami que, bien entendu, je trouvais fort intéressant. Renseignement pris auprès de l'auteur, c'est de façon tout à fait délibérée qu'il avait usé de ce terme.
Intéressant en quoi ? en ce qu'il renvoie à une série de termes qui constituent à mon avis le fondement de la pratique du placement familial : placement, déplacement, remplacement. On peut y ajouter, bien sûr, le terme de place qu'on retrouve dans le thème choisi pour nos journées de réflexion et qui tourne autour de la place de la famille d'accueil dans le processus thérapeutique.
Une discussion s'est engagée dans notre équipe sur une question de terminologie : accueil familial thérapeutique ou placement familial thérapeutique ? Le terme d'accueil est intéressant en ce qu'il permet de se dégager de certaines connotations attachées à celui de placement : placements DDASS, Justice... mais il est peut être regrettable qu'il élimine également les connexions sémantiques évoquées plus haut.
Toujours en associant à partir de ces termes, mais en passant du domaine du Placement Familial à celui de la psychanalyse on se rend compte que là encore, ils sont loin d'être anodins et peuvent nous entraîner assez loin :
- déplacement :
"Fait que l'accent, l'intérêt, l'intensité d'une représentation est susceptible de se détacher d'elle pour passer à d'autres représentations originellement peu intenses, reliées à la première par une chaîne associative.
Un tel phénomène particulièrement repérable dans l'analyse du rêve se retrouve dans la formation des symptômes psychonévrotiques et, d'une façon générale, dans toute formation de l'inconscient".
C'est la définition qui est proposée dans le "Vocabulaire de la Psychanalyse".
On peut rappeler également que J. LACAN, reprenant les travaux du linguiste JACKOBSON, assimile le déplacement à la métonymie et la condensation à la métaphore, le désir humain étant fondamentalement structuré par les lois de l'inconscient et constitué comme une métonymie. Le désir est fondamentalement insatisfait : cet obscur objet du désir ne peut être atteint ; tout objet ne vaut qu'en tant que substitut.
"... la seule chose qui importe de comprendre, ce sont ses avatars (du désir) et ses mutations, liés aux places successives qu'il occupe au sein de configurations déterminées. Seules les lois de circulation du désir permettraient de saisir pourquoi l'être humain reproduit indéfiniment des expériences dont le principe n'a rien à voir avec un - quelconque plaisir ressenti", (article de BALDINE SAINT-GIRONS sur le Désir dans 1'Encyclopaedia Universalis)
Sans insister, on se rend bien compte de l'importance d'un concept comme celui de déplacement dans l'ensemble de la théorie psychanalytique et qu'à partir de lui et de proche en proche on est renvoyé à des notions telles que celles de substitut (Ersatz en Allemand) ou formation substitutive, de désir, de répétition...
Une notion et non des moindres a été omise dans cette énumération qui est celle de transfert : au début de son élaboration théorique en effet, transfert est pour Freud synonyme de déplacement. Ce n'est qu'ultérieurement que le transfert viendra désigner un mode particulier de déplacement qui est celui observé dans le dispositif d'une cure analytique, un phénomène se rapportant à la personne du thérapeute et qui peut bien être considéré comme le moteur de la cure.
Peut être cette rapide référence à la théorie psychanalytique peut-elle nous faire entrevoir en quoi réside, pour une part au moins, les ressorts de l'efficacité d'un placement familial, tant au niveau des effets bénéfiques, positifs, thérapeutiques qu'au niveau des effets secondaires néfastes. Peut-être peut-elle également nous aider à mieux préciser les risques d'une telle entreprise.
Le transfert est un phénomène que les thérapeutes avisés manient avec beaucoup de précautions. Qu'en est-il des phénomènes d'ordre transférentiel dans le placement familial ? multiples, diffus et parfois très difficiles à cerner : une expérience toute récente nous aura au moins appris qu'il convenait de ne pas sous estimer certaines réactions possibles de la part de la famille élargie et de l'entourage social immédiat de la famille naturelle.
La famille d'accueil est tout particulièrement exposée à ses phénomènes d'ordre transférentiel. Elle n'est pas forcément préparée à y répondre de manière adéquate. De plus, la situation de placement familial exclut toute attitude de "neutralité bienveillante" ou équivalent pouvant caractériser la position de l'analyste ; le risque d'acting out, de part et d'autre est permanent.
On peut évoquer à titre d'exemple le mouvement "régressif" qui a été observé chez Martial dans la seconde phase de son placement et l'attitude pour le moins complaisante de l'assistante maternelle.
Le travail principal de l'équipe consistera précisément à se porter garant de la place de chacun dans le dispositif complexe du Placement familial. Il semble que cela puisse se faire en "professionnalisant" la famille d'accueil ce qui peut permettre de limiter certains mouvements affectifs excessifs, l'appropriation de l'enfant par sa famille d'accueil, d'éviter que le système ne s'affole...
Des cas exposés lors de la journée d'Albi, je retiendrais deux exemples significatifs à cet égard :
- celui de la famille d'accueil de Martial qui, quand celui-ci fort justement leur pose la question du paiement, dans un premier temps dénie toute rémunération pour le placement et, avec pour corrélat à ce déni, l'idée un peu folle d'en faire l'héritier de la famille, comme s'il en était "le 3ème enfant". S'il était besoin de prouver le lien entre la question de la rémunération et celle de l'appartenance de l'enfant à une famille, nous aurions à travers cet exemple un argument de poids.
On peut signaler l'évolution de la famille d'accueil par rapport à l'argent et à la rémunération qui se situe davantage maintenant sur un mode de revendications salariales auprès de 1'employeur.
- autre exemple assez proche : celui de la première famille d'accueil de Christine. Je ne fais que reprendre les remarques exprimées par l'équipe d'Albi : "En tant qu'employeur de Mr et Mme D. , devions-nous accepter leurs dates de congés, vu les déplacements que cela imposait à Christine ?"
Un peu plus loin : "De plus, Mr et Mme D. partent souvent en congé, Mme D. ne se considère pas comme une salariée, astreinte à des obligations professionnelles, à des temps de présence obligatoire". Cela conduit comme on se rappelle à une rupture de ce placement et à des déplacements itératifs de Christine dans une dynamique de répétition de situations de rupture, de rivalité entre familles...
Je termine en rappelant la définition que Myriam David propose du placement familial et les remarques qu'elle fait à propos de la rémunération :
"Par placement familial, on entend l'accueil permanent d'un enfant, de jour et de nuit, pour quelque durée que ce soit, par une famille rémunérée qui, pendant toute la durée du placement, assure l'ensemble des soins et de l'éducation de l'enfant, sans que celui-ci lui appartienne pour autant".
"...on reconnaît aujourd'hui que la rémunération est la pierre angulaire aussi bien du placement familial que de la garde de jour. (...) Elle garantit à la fois la qualité, la stabilité du placement et témoigne de la non-appartenance à part entière de l'enfant à la famille d'accueil. En effet, la rémunération de l'accueillant traduit le fait que l'accueil de l'enfant n'est pas un service bénévole, mais un travail rémunéré et que l'accueillant a à rendre compte de son travail à qui le rémunère, parents et/ou service" ».

samedi 19 mars 2011

Enfermement psychiatrique

Dans le prolongement de mon précédent billet je ne puis que vous conseiller la lecture d'un article du Monde - édition du 20/03/2011 - rédigé par Laetitia Clavreul :

"Le contrôleur des lieux de privation de liberté alerte sur la multiplication des enfermements psychiatriques"

En voici deux courts extraits :

« C'est au gré d'une quarantaine de visites inopinées dans des établissements de santé et à la lecture de courriers de malades ou de leurs familles, qu'il a pu constater ces atteintes à la liberté des personnes ou à leur droit à l'accès aux soins.
Tout d'abord, il relève que, dans les hôpitaux psychiatriques, de plus en plus de portes sont fermées à clé. Une logique d'enfermement qui a des conséquences au-delà des malades placés là sans consentement. En effet peuvent aussi s'y trouver des patients hospitalisés librement, qui ne doivent donc pas être privées du droit d'aller et venir. En outre, leur ''enfermement ne s'est accompagné d'aucune procédure particulière : il est la seule conséquence du choix du responsable de l'unité" ».

« Un tel avis ne pourra que réjouir les psychiatres. S'il n'est pas dans l'habitude du contrôleur de prendre part aux débats sur les textes de loi, son alerte tombe à pic pour entretenir celui sur la réforme de l'hospitalisation sans consentement, qui suscite une vive hostilité. Ce projet de loi doit être soumis au vote solennel des députés mardi 22 mars. Alors que les soins sous contrainte étaient jusque-là cantonnés à l'hôpital, il prévoit de les étendre en ville.
Dans le contexte actuel, les psychiatres craignent des dérives ».

vendredi 11 mars 2011

LOPPSI II

On voudra bien excuser le contenu "politique" de ce billet, mais, par les temps qui courent, les psychiatres et avec eux l'ensemble des soignants en psychiatrie ne peuvent se désintéresser de ce qui ce joue dans notre société.
Notre discipline tend de plus en plus à être considérée comme garante de l'ordre public et tout fait divers est susceptible de lui être reproché, en ce qu'il viendrait attester de manquements aux objectifs sécuritaires qui lui sont fixés.
Ces préoccupations sécuritaires sont manifestes à ce jour en psychiatrie adulte avec la révision de la loi de 1990 qui suscite pour le moins bien des interrogations... Cette loi encadre les hospitalisations et les soins sans consentement (HDT - Hospitalisation à la Demande d'un Tiers et HO - Hospitalisation d'Office), précision faite pour les non-initiés.
Dans notre domaine, nombre de pédopsychiatres s'étaient alarmés du rôle que l'on voulait nous voir jouer dans la prévention de la délinquance avec le dépistage des troubles des conduites chez les plus jeunes enfants. Le mouvement "pas de zéro de conduite pour les moins de 3 ans" a constitué une saine réaction face à cette situation.
La pédopsychiatrie aujourd'hui ne peut être complètement insensible au sort réservé à la justice des mineurs et je me réjouis personnellement de la position du Conseil constitutionnel qui a rejeté des dispositions de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI II) dont un bon nombre concernait les mineurs.
"Justice des mineurs
La Loppsi étendait aux mineurs l'application de peines planchers, c'est-à-dire l'obligation pour un juge en cas de récidive d'appliquer un seuil minimal de sanction, et ce, y compris aux primo-délinquants. Il autorisait le procureur à poursuivre directement un mineur devant le tribunal, sans passer par le juge des enfants, quel que soit son âge, la gravité des faits, qu'il ait ou non été déjà condamné. Le Conseil, rappelant l'existence d'un «principe de spécialité de la justice des mineurs» et sa finalité éducative, a censuré.
Le Conseil constitutionnel a validé la possibilité donnée au préfet ou au tribunal des enfants de prononcer une mesure de «couvre-feu» pour les mineurs de 23 heures à 6 heures. Il a en revanche refusé la peine à laquelle se seraient exposés les représentants légaux du mineur en cas de non respect de la mesure, rappelant ainsi qu'il ne peut y avoir de «responsabilité pénale du fait d'autrui»".
(Extraits de l'article du Monde en date du 12/03/2011 :
Loi sur la sécurité : sévère rappel à l'ordre des «sages»
Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 10 mars, plusieurs des mesures phares voulues par le gouvernement)
Je vous renvoie une nouvelle fois pour alimenter votre réflexion au Blog de Jean-Pierre ROZENCZVEIG, Juge des enfants et à son billet du jour "Le Conseil Constitutionnel siffle la fin de la récré".
(Petite précision, l'illustration tirée du journal "Le Monde" en date du mois d'août 2007 se rapporte à une précédente disposition législative... Que peut-on faire contre les multirécidivistes ? Je vous le demande... )

lundi 21 février 2011

Journée de l'Association psychanalytique de France du 26/03/2011 à Lyon

L’OEUVRE DU TEMPS
« Le temps qui voit tout, t’a trouvé malgré tout. »
(Sophocle, Paroles du choeur adressées à Oedipe.)

L’inconscient atemporel peut être figuré par la métaphore freudienne de Rome, la ville éternelle ; il est construit par superposition de strates temporelles historiques.
Dans un espace-temps partagé entre analyste et patient, la cure se déroule oscillant entre le temps rythmé des séances et un hors temps où l’infantile surgit sur la scène du transfert.
Différentes temporalités sont entendues par l’analyste ; dans cette écoute, les traces mnésiques se mobilisent, les conflits psychiques peuvent s’actualiser.
Comment, grâce au transfert, le temps immobilisé dans la répétition et la contrainte se diffracte-t-il ?
Comment, dans l’après-coup de la parole, l’analysant peut-il éprouver une autre perception temporelle mêlant présent, passé et atemporalité de l’inconscient ?
Peut-on parler d’un travail du temps, comme Freud a parlé d’un travail du deuil et d’un travail du rêve ?
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Journée du 26 mars organisée par les analystes de L'APF à LYON, sur le thème "L'oeuvre du temps".
Pour tous renseignements :
lapf@wanadoo.fr
tel: 01 43 29 85 11
http://www.associationpsychanalytiquedefrance.org/

lundi 14 février 2011

Correspondance

Février 2011 - extrait d'un courrier concernant un jeune garçon de 12 ans adressé à un collègue psychiatre, responsable d'une unité d'hospitalisation pour adolescent :

"Je t'adresse le jeune D., né le [...], qui est un enfant présentant de très gros troubles du comportement et que je connais personnellement depuis de nombreuses années, le premier contact de la famille avec le CMP de [...] remontant à l’année 2003.
Comme c'est souvent le cas dans ce type de situation, il est bien difficile de résumer en quelques mots les difficultés rencontrées et les mesures qui ont été mises en œuvre. Je t'adresse la copie de deux courriers que j'avais pu faire au Juge des enfants en 2007 où tu pourras trouver quelques éléments.
Après un passage en ITEP, D. a été pris en charge un temps sur l'hôpital de jour tout en étant placé au Foyer [...] à [...]: nous avons été confrontés de façon itérative à des passages à l'acte à type d’accès d’agitation, de conduites violentes, de fugue… D. se faisait un plaisir d’entraîner d’autres enfants avec lui, parfois plus jeunes que lui, en les exposant ainsi à de multiples dangers.
Ces troubles étaient difficilement gérables et ont conduit à un séjour de rupture dans un lieu de vie en Aveyron ; faute d’alternative, ce séjour initialement prévu pour une durée limitée s’est prolongé en fait pendant deux années, période durant laquelle D. n’a pas été scolarisé et n’a pas bénéficié de prise en charge spécialisée. Le traitement par RISPERDAL et TERCIAN que j’avais instauré a ensuite été renouvelé par le médecin traitant.
Ce séjour a pris fin au mois de juin 2010 et D. a été placé dans une famille d’accueil chez qui cela s’est passé relativement bien pendant quelques mois. Il y a eu récemment un nouveau passage à l’acte avec des conduites violentes envers la famille qui vient remettre en cause ce placement. Des recherches d’une nouvelle solution sont en cours.
J’ai revu ce jour en consultation D. qui présente toujours le même type de troubles avec cette nuance qu’il est maintenant adolescent et que cela est encore plus difficile à gérer. Il était accompagné d’une éducatrice et il s’est montré particulièrement excité, crachant par terre, criant, exprimant des menaces et son opposition à tout traitement. J’ai renouvelé le traitement par RISPERDAL et TERCIAN en augmentant les doses, mais sans être convaincu que ce traitement sera effectivement pris.
Compte tenu des troubles observés, une prise en charge en unité de soins spécialisée me paraît incontournable à plus ou moins brève échéance. Merci par avance de ce qui pourrait être envisagé pour ce jeune garçon à ton niveau".

Trois jours après l'avoir reçu en consultation, D. est admis aux Urgences pédiatriques après avoir frappé sa mère et tenté de s'enfuir... Aucun solution n'est trouvée que ce soit pour l'accueil ou pour les soins spécialisés dont il relève à l'évidence.

dimanche 13 février 2011

Correspondance

Février 2011 - Extrait d'un courrier adressé à un collègue psychiatre intervenant dans un institution accueillant des enfants placés et concernant un jeune garçon, M., âgé de 11 ans :

" M.[...] a bénéficié d’un suivi dans le cadre du Centre médico-psychologique de [...] ainsi que de diverses mesures de placement et d’aide éducative.
J’ai eu l’occasion de le voir en consultation dans le cadre du service de Pédiatrie durant l’année 2010, la mère ayant rompu le contact avec la psychologue du CMP qui s’occupait de lui depuis plusieurs années.
Je tenais à vous faire part de ma grande inquiétude vis-à-vis de l’évolution de ce garçon depuis le dernier contact que j’avais eu avec lui, au début du mois de décembre, sachant qu’est intervenue dans l’intervalle une mesure de placement judiciaire dans des conditions particulièrement difficiles.
Une très vive tension émotionnelle est perceptible ce jour chez M. ; il tient des propos peu cohérents, sur un mode délirant à thème de persécution : sa mère court un grand danger et il doit aller la retrouver pour la protéger… Le nouveau compagnon de la mère est présenté tantôt comme un personnage tout-puissant et bénéfique, tantôt malveillant… La conviction attachée à ces propos semble forte et l’intensité de la participation affective peut faire craindre un passage à l’acte à type de fugue ou de geste suicidaire, d’autant que M. a commencé à élaborer des scénarios… 

Cet enfant présentait certes des troubles de la personnalité, mais je n’avais jamais été confronté jusqu’ici à un tableau clinique de ce type. Il est à souhaiter que la reprise des contacts avec la mère permette une réduction des troubles en atténuant le caractère fortement traumatique de la mesure de placement. Son traitement actuel est le suivant
- RISPERDAL (solution buvable) : 0,50 mg matin et soir
- TERCIAN (solution buvable) : 20 gouttes le soir + 10 gouttes dans la journée en cas de crise
un traitement qu’il y aura peut-être lieu de réajuster.
La décompensation psychologique actuelle de ce jeune garçon me paraît réclamer la plus grande vigilance et le cas échéant des mesures thérapeutiques plus importantes avec peut-être un temps d’hospitalisation en service spécialisé, étant précisé que la nature des difficultés de M. et les troubles du comportement associés ne permettent pas d’envisager un séjour dans le service de pédiatrie".

samedi 5 février 2011

Enfants placés - familles d'accueil - familles naturelles

Les demandes qui nous sont adressées - ceci est particulièrement vrai au Centre Médico-Psychologique du Bois d'Oingt - concernent dans de nombreux cas des enfants placés en famille d'accueil... ce qui ne manque pas de nous interroger et de nous poser parfois de sérieux problèmes.
En premier lieu, ce sont des enfants qui ont souvent souffert, qui ont traversé des épreuves difficiles (ruptures affectives parfois répétées, carences éducatives, maltraitances...) et qui en gardent des traces, malgré les bons soins qui leur sont en principe prodigués dans leur nouveau lieu de vie.
Comment par ailleurs considérer les familles d'accueil ? Comme des parents de substitution que l'on traiterait plus ou moins comme des parents naturels ou davantage comme des professionnels, avec qui il s'agirait plus d'une relation de partenariat...
Et quelle place réserver à la famille naturelle ? Matériellement, c'est parfois difficile : parents éloignés  géographiquement ou investissant peu leurs enfants ou encore avec des droits de visite limités et strictement encadrés... Souvent dépositaire de l'autorité parentale, quelle part réelle leur revient dans les décisions prises concernant les suivis thérapeutiques engagés ?
Par ailleurs, les soignants ne sont bien évidemment pas les seuls à être concernés par ces situations et il faut compter avec les services de l'Aide Sociale à l'Enfance, le juge des enfants et les travailleurs sociaux afférents : la volonté de collaborer est habituelle, mais cela n'empêche nullement les tensions nées de malentendus, de défaut de concertation, de manque de coordination, de divergence d'appréciation...
A consulter sur ce sujet le billet du 05/02/2011 du Blog de Jean-Pierre ROSENCZVEIG Juge des enfants : "Gers : des relents de la DDASS de jadis"

mardi 4 janvier 2011

Congrès autisme France - Lyon - 20 novembre 2010

Voici un bref résumé subjectif des interventions de cette journée

Sylvain Briault : Génétique et autisme : les nouvelles voies d’exploration
- Il existe une composante causale génétique de l’autisme.
- Il y a d’autres facteurs à chercher.
+Peut-être qu’un jour, grâce à une meilleure compréhension des mécanismes, nous pourrons davantage préciser les interventions et il pourrait y avoir un traitement médicamenteux.

Eric Frombonne : L’épidémiologie de l’autisme
Aujourd’hui en France : 111600 personnes de moins de 20 ans sont atteintes d’autisme.
Prévalence:
Autisme= 22/10000
TED= 40/10000
Asperger= 10/10000
TSA= 70/10000

Rutger Jan van der Gaag : Le stress psychosocial des personnes avec TED.
- Lorsque l’on reçoit une information, 2 zones du cerveau sont utilisées chez la personne neurotypique lorsque 17 le sont pour une personne TED: cela provoque une grande fatigue.
- Beaucoup de choses sont possibles par internet, par ordinateur. Lorsque les patients viennent le voir, trop de choses sont à prendre en compte (le stress du déplacement, de l’attente, de lieu inconnu, des lunettes, de la couleur de la cravate…) Par internet, le message donné n’est pas brouillé par tout cela et la personne TED peut le lire et répondre à son propre rythme.
+Ce que nous cherchons c'est l'ADAPTATION MUTUELLE

Pascale Brochu : Et si l’autostimulation n’était pas volontaire mais vitale ?
- Nous avons aussi des comportements d’autostimulations, mais adaptés socialement (mâchouiller le bout d’un stylo, se tripoter les cheveux, bouger le pied…)
- L’autostimulation dérange qui ?
- Quelle fonction a l’autostimulation? Est-elle organisante ou envahissante?
- Si c’est envahissant ou agressif : il faut intervenir.
- Si la stimulation est fréquente il faut que la solution proposée soit accessible à tout moment, si la stimulation est intense, il faut que la solution proposée le soit aussi.

Jean-François CHOSSY, député de la Loire
Demandons : + de formations, + de places d’accueil, + de moyens pour la recherche.
Changeons nos mots :
* Prise en charge --> Accompagnement
* Intégration scolaire --> Scolarisation
* Inclusion --> Implication
+ Ne pas hésiter à lui écrire à l’assemblée nationale pour qu’il porte nos messages
j-f.chossy@wanadoo.fr

Jérôme Ecochard : vivre avec l’autisme : témoignage d’une personne asperger
- Marche tardive, langage normal, très bonne mémoire « je remarquais que les adultes oubliaient beaucoup de choses.»
- Il mettait longtemps à comprendre les choses, par exemple qu’il pouvait aller aux toilettes à l’école. Il ne comprenait pas la consigne « dessine un bonhomme » on a dit qu’il était en retard. Son père lui a montré ce qu’on attendait de lui. Il l’a refait, il n’était plus en retard.
- «J’ai toujours rêvé d’un mécano, mais je ne l’ai jamais eu parce que je n’ai jamais eu l’idée de demander. »
- «En 6° on me disait nul en math alors que je calculais des longitudes grâce à l’étoile polaire, mais personne ne le savait »
- Diagnostiqué il y a 7 ans après 5 ans d’étude de médecine, une thèse en physique et 2 DEA. Il a arrêté la médecine à causes des stages : trop de stress. Sa thèse de physique a été publiée mais son nom n’est pas inscrit car il n’a pas pensé à se défendre. Aujourd’hui il est préparateur de copies pour le CNED et aime son travail.
- Il dit avoir eu beaucoup de chance
- « Je n’arrive pas à considérer les stéréotypies comme un problème, mais j’ai vite appris à me cacher pour les faire. »
- « Attention à ne pas tirer trop vite de conclusion : on a cru que j’étais homosexuel car j’aime être compressé quand quelqu’un s’allonge sur moi. »

Jacqueline Nadel: ce que l’imitation peut faire dans le développement de l’autisme
Des études ont trop vite conclu à un déficit dans l’imitation chez les personnes avec autisme alors que l’imitation est un moyen très efficace dans la rencontre de l’autre et dans les apprentissages. Beaucoup de personnes avec autisme sont tout à fait capables d’utiliser l’imitation dès le plus jeune âge.

Alain Berthoz : Autisme et stratégies cognitives du traitement de l’espace. Une théorie spatiale de l’empathie.
L’empathie consiste à se mettre à la place de l’autre (avec un changement de référence spatiale et en utilisant son corps virtuel, son double) tout en restant soi-même sans forcément éprouver les émotions d’autrui.
Pour me mettre à la place de l’autre je dois penser dans un autre espace que celui de mon corps propre. La personne avec autisme n’a pas la même construction et représentation de l’espace et peut donc moins bien le manipuler pour se mettre à la place de l’autre.
+ Implication dans l’empathie et la théorie de l’esprit.

Eric Willaye : Aspects comportementaux spécifiques à l’autisme
Un enfant demande à arrêter une activité : on lui demande de continuer un peu. Il crie et se tape la tête : on lui permet d’arrêter l’activité. Ainsi on vient de lui apprendre que pour arrêter l’activité il faut crier et se taper la tête : parler ne sert à rien.
Pro-Action : pour apprendre les comportements adaptés (aménagement de notre communication, organisation des activités, scénario sociaux…)
Pas de réaction sans pro-action : une punition n’a jamais appris à quelqu’un ce qu’il est sensé faire à la place.

Françoise Infante : Présentation du Bilan Développementale de Gloria Laxer.
Elle rappelle principalement que pour qu’un enfant TED soit scolarisé il est indispensable que les enseignants connaissent le handicap de l’enfant : l’autisme de manière générale + les compétences de l’enfant accueilli.
*Des interventions auprès de tous les enseignants pour les informer sur l’autisme.
*Un Bilan Développemental existe afin de montrer les compétences que l’enfant a construites et sur lesquelles l’enseignant peut s’appuyer, pour adapter le travail


Chantal Tréhin : la démarche qualité d’Autisme France, bilan de mise en pratique et d’une collaboration avec le Quebec
La démarche qualité sert à vérifier que les services s’adaptent aux personnes TED et non le contraire. Il existe 5 grilles d’évaluation téléchargeable sur http://www.autismequalite.com/

Monica Zilbovicius : Synthèse en images à partir de photos de la journée.
Yes, we can !

Danièle Langloys, présidentes Autisme France : conclusion
Objectifs :

- Ecrire la spécificité de l’autisme dans la loi de 2005 afin de préciser le sens de l’accessibilité et de la compensation.
- Que l’année 2011 soit dans la continuité du plan autisme 2008-2010 car il manque encore beaucoup d’informations à propos de l’autisme pour le grand public.
- Que les critères de la CIM-10 soient connus de tous, dont la MDPH.
- Faire lire le document de la haute autorité de santé au grand public
- Que la définition du mot autisme change dans le dictionnaire.
- Que les maisons relais pour adultes puissent voir le jour.

Qu’est-ce que le soin pour une personne autiste ?
Ce n’est pas guérir, mais trouver des stratégies de compensation. Pour les familles, c’est que leur enfants soit apaisé, heureux et que toute la famille soit acceptée là où elle va.

Appel à tous : La personne autiste est d’abord un citoyen et comme chaque citoyen, elle a une place dans la société. En Europe, il y a une désinstitutionalisation des personnes avec autisme : en France nous sommes en retard, alors que le milieu ordinaire est moins couteux, plus efficace et rend plus digne les personnes avec autisme.



Un autre point de vue de cette journée: http://meloelia.over-blog.com/article-congres-autisme-france-20-11-2010-61444282.html

Diagnostic et intervention précoce

Intervention de Bernadette Rogé lors du pré-congrès autisme france à Lyon le vendredi 19 novembre 2010.
Bernadette Rogé, psychologue, professeur de psychologie clinique à l'université de Toulouse Le Mirail est une spécialiste internationalement réconnue de l'autisme.


I] Dépistage et diagnostic précoce
- Plus que les signes d’autismes, on rechercher les signes annonciateurs « Il ne faut pas chercher le petit papillon mais la chenille » (Rutger Jan van der Gaag.)
- Braid et al. 2000 : C.H.A.T. à 18 mois pour 16 235 enfants.




- 50 cas d’autisme révélés à 7 ans sur 16 235 dont 10 seulement ont été révélés par le CHAT.
- 44 cas de TED révélés à 7 ans sur 16 235 dont 10 seulement ont été révélés par le CHAT.

Outils pour le dépistage : CHAT, STAT, SCQ, M-CHAT, ESAT

Une recherche de Bernadette Rogé :
Des parents tout venants remplissent le M-CHAT pour leur enfant à 24 mois.
Le médecin (formé) passe le CHAT à 24 et 36 mois.
Aujourd’hui : 277 enfants testés. 5 ont été dépistés avec le M-CHAT, 7 ont reçu le diagnostic d’autisme. (2 faux négatifs)
Biais : les médecins ne le font passer que lorsqu’ils ont déjà des doutes : on ne peut plus parler d’une population tout venant.

Questions éthiques :
- Lorsque des experts peuvent diagnostiquer l’autisme avant 2 ans avec des signes que les parents ne perçoivent pas : comment annoncer le diagnostic ?
- Quelles réponses d’accompagnement proposer après le diagnostic ?


II] Intervention précoce
- L’augmentation du nombre de cas et la précocité du diagnostic devraient conduire à une politique de prise en charge.

Différents programmes existent :
TEACCH : Programme très, voire trop cognitif pour des enfants jeunes : il faut mettre us d’importance au domaine sensori-moteur.
ABA : On évolue vers le renforcement des comportements spontanés.
FLOOR-TIME et SON-RISE : pose le problème que les études réalisées no portent que sur des cas uniques : on ne peut pas les généraliser. Elles manquent d’objectifs de travail.
Modèle de DENVER : repose sur le modèle de développement interpersonnel de Stern. Le travail du partage émotionnel est au centre, l’attention conjointe est un concept clef, ainsi que l’imitation et l’engagement et désengagement de l’attention.

Historiquement :
1- Psychanalyse
2- ABA : comportemental
3- TEACCH : comportemental et cognitif
4- Denver : comportemental, cognitif et émotionnel.