dimanche 27 mars 2011

Il n’est point honteux de boiter

"Was man nicht erfliegen kann, muss man erhinken... die Schrift sagt es ist keine Schande zu hinken"
En allemand, pour faire plus savant, c'est la citation complète de FREUD dans sa lettre à Fliess du 20/10/1895 du poète RUCKERT, citation reprise dans Au-delà du principe de plaisir : "Ce qu’on ne peut atteindre en volant, il faut l’atteindre en boitant… L'Écriture nous dit qu’il n’est point honteux de boiter".
En ces périodes troublées où l’actualité nous procure peu de motif de réconfort, le cinéma a pu m’offrir une certaine consolation avec deux films vus relativement récemment.
Ces deux films ont en commun d’avoir remporté un grand succès tant auprès des critiques qu’auprès du grand public.
Le succès rencontré par le premier "Des hommes et des dieux" de Xavier Beauvois peut paraître surprenant, la religion dans ce qu’elle peut avoir de plus positif, la spiritualité, la tolérance, le don de soi… n’étant pas des valeurs très prégnantes dans notre société d’aujourd’hui où dominent au contraire matérialisme, individualisme, rejet de l’autre… Sans doute un manque-à-être se fait-il sentir dans ce contexte auquel l’expérience de ces moines exilés en Algérie est venue répondre.
J’ai eu un sentiment un peu analogue à la vision du second film sur lequel je m’étendrais davantage "Le discours d’un roi" de Tom Hooper : à l’heure où la psychanalyse est tant décriée, l’intérêt suscité par le parcours du roi Georges VI a quelque chose qui pourrait sembler anachronique…
Pour ceux qui n’en auraient pas entendu parler, l’histoire est la suivante  -  je reprends le synopsis proposé sur le site du film  : "D’après l’histoire vraie et méconnue du père de l’actuelle Reine Elisabeth, qui va devenir, contraint et forcé, le Roi George VI (Colin Firth), suite à l’abdication de son frère Edouard VIII (Guy Pearce). D’apparence fragile, incapable de s’exprimer en public, considéré par certains comme inapte à la fonction, George VI tentera de surmonter son handicap grâce au soutien indéfectible de sa femme (Helena Bonham Carter) et d’affronter ses peurs avec l’aide d’un thérapeute du langage (Geoffrey Rush) aux méthodes peu conventionnelles. Il devra vaincre son bégaiement pour assumer pleinement son rôle, et faire de son empire le premier rempart contre l’Allemagne nazie".
Ne nous y trompons pas, "le thérapeute du langage aux méthodes peu conventionnelles" tient davantage du psychanalyste que de l’orthophoniste ; le film nous apprend d’ailleurs qu’il n’est nullement diplômé en ce domaine. Sans vouloir en donner une lecture trop réductionniste, il est évident que cette histoire renvoie à des questions cruciales pour la psychanalyse : la fonction symbolique, la difficulté à soutenir une parole, la difficulté à occuper la place du père, les enjeux de rivalité fraternelle qui se greffent sur cette question, la castration dont le bégaiement est le symptôme évident…
Cette trajectoire personnelle du roi Georges VI est d’autant plus touchante qu’elle s’inscrit dans un contexte historique particulier avec la montée du nazisme où l’on retrouve là une autre figure du père, elle beaucoup plus inquiétante, la pire, en la personne d’Hitler : père primitif, tout-puissant, tyrannique, non soumis à la castration et à la loi symbolique…
Un film à vivement recommander à ceux qui ne l'auraient pas encore vu... Il donne à méditer, en ces périodes troublées...

1 commentaire:

michon a dit…

film remarquable !
en plus de l'histoire de cet homme, on a aussi un regard interressant sur "l'orthophoniste" qui a des méthodes particulières que l'on apprécie en psy et qui tentent de nouveau à disparaitre avec les rééducations "technique"