samedi 13 février 2010

Cronos

(Extrait d’un mémoire de criminologie – "Un si long silence" année 2005 -, travail clinique personnel à partir d’une prise en charge psychothérapique d’une jeune adolescente infanticide)

"Si nous nous sommes dans un premier temps intéressé à des causes structurelles, liées à la personnalité de Coralie et à son histoire familiale, il ne faut pas négliger le rôle de causes davantage conjoncturelles dans le déterminisme de son passage à l’acte.

Une configuration des plus défavorables s’observe en effet avec la coïncidence malheureuse entre le décès de la grand-mère, le diagnostic du cancer du père qui présentifie la possibilité de son décès prochain et la survenue de la grossesse de Coralie qui, à peine entrée dans l’adolescence, vient à être brusquement projetée au rang de mère… tous ces événements concourent à une sorte d'emballement intolérable dans la succession des générations.

Par delà la simple volonté d’épargner à sa famille, déjà éprouvée par le deuil et la maladie, des soucis supplémentaires avec la révélation de la grossesse, le passage à l'acte meurtrier peut dans ce sens s'interpréter comme une tentative désespérée pour faire obstacle à cette accélération soudaine du cours de la vie et ainsi éloigner la perspective insoutenable de la mort du père".

--------------
Premier constat : le temps subjectif n’a rien de linéaire ; il peut subir des accélérations, des condensations, des sauts... En aucun cas il ne peut se décrire comme une succession régulière d’unités temporelles qui seraient parfaitement équivalentes, comme cela peut se concevoir dans un modèle mathématique ou physique.
Second constat : la lecture que l’on peut avoir d’un fait clinique peut se rattacher à des éléments structuraux, tenant à la personnalité du sujet, éléments dont on considère à juste titre qu’ils ont une relative stabilité dans le temps, mais aussi à des événements ponctuels, à des accidents bien repérables dans la vie du sujet et à partir desquels il est possible de définir un avant et un après. La question qui se pose est de savoir comment il est possible d’articuler ces deux dimensions dans notre compréhension des faits psychiques… Autrement dit, ne pas réduire la clinique à une dimension événementielle, un inventaire des « life events » des auteurs anglo-saxons, mais ne pas occulter à l’inverse l’impact traumatique et désorganisateur de certains faits vécus par le sujet.

Aucun commentaire: