samedi 15 novembre 2008

(I can’t get no) Satisfaction

La poursuite de la lecture de l’Esquisse nous conduit à ce qui a été retenu sous le terme d’Expérience de satisfaction. Nous renvoyons le lecteur disposant d’un exemplaire du Vocabulaire de la psychanalyse de LAPLANCHE et PONTALIS à l’article fort bien fait consacré à ce thème. Pour ceux qui en seraient dépourvus, nous allons nous efforcer de résumer ce que recouvre cette expérience originaire postulée par FREUD chez le nourrisson, qui consiste en l’apaisement d’une tension interne créée par le besoin grâce à une intervention extérieure.
Avant de la présenter, il nous faut cependant compléter la description sommaire faite de l’appareil psychique en rajoutant que le système ψ reçoit des influx provenant non seulement des perceptions du monde extérieur par l’intermédiaire des neurones φ, mais également de l’organisme lui-même. Contrairement aux perceptions extérieures dont il est possible de se préserver au moins partiellement par la motricité, il s’avère impossible de se soustraire aux excitations endogènes, provenant de l’intérieur du corps.
Examinons le fonctionnement de l’appareil psychique dans l’exemple proposé de l’expérience de satisfaction. Une excitation grandissante est perçue par le nourrisson liée à la sensation de faim. Du fait de l’état de détresse et d’impuissance dans lequel il se trouve, de par l’immaturité de son système nerveux, il est dans l’incapacité de satisfaire par lui-même ce besoin. Il va alors tenter de se libérer de l’état d’excitation par une agitation motrice, par des cris… Cette activité motrice en elle-même n’est pas en mesure de procurer un apaisement, mais elle va avoir pour effet d’alerter une personne extérieure qui elle, par une action appropriée, soit l’apport de nourriture, va être en capacité de répondre aux besoins de l’enfant et de faire cesser l’état de déplaisir auquel il était soumis.
Le nourrisson va conserver de cette expérience, par le mécanisme de frayage, des traces mnésiques qui associent la sensation de tension liée à la faim, la réponse motrice que cette tension entraîne et la satisfaction du besoin par l’intervention adéquate d’un objet extérieur. Lorsque, ultérieurement, la sensation de faim va resurgir, il y aura une réactivation de ces traces mnésiques aboutissant dans un premier temps à une satisfaction du besoin sur un mode hallucinatoire, par un réinvestissement de l’image de l’objet qui avait été source de plaisir : cette hallucination primaire correspond à l’émergence des toutes premières représentations mentales de l’enfant. Mais cette satisfaction sur un mode hallucinatoire ne peut apaiser la tension ressentie ; la réactivation des traces mnésiques est insuffisante à compenser l’absence de l’objet.
Le nourrisson va de ce fait être conduit à investir la réalité extérieure, dans la mesure où seul un objet externe est susceptible de satisfaire ses besoins vitaux. A partir de là, les cris et l’agitation motrice qui initialement ne résultaient que d’une action réflexe vont petit à petit s’inscrire dans un processus de communication et prendre valeur d’une demande adressée à l’autre. La rencontre première avec l’objet, source de satisfaction, va être constitutive du désir ; elle guidera tout au long de la vie la recherche de l’objet satisfaisant.
Il n'est pas inutile d’insister sur le fait que l’expérience de satisfaction est liée à l’état de détresse originel de l’être humain et de sa dépendance, pour sa survie, à l’égard de l’autre, seul capable, par une action spécifique, de réduire la tension résultant des excitations endogènes. Cette prématuration du nouveau-né avec la totale dépendance à autrui qui l’accompagne sur une période prolongée, loin de constituer un handicap en terme d’évolution comme on pourrait l’imaginer au regard d’autres espèces animales plus aptes à subvenir précocement à leurs besoins, contribue au contraire à un développement exceptionnel de l’humain, par le renforcement de l’importance du lien à l’autre, dont la survie même de l’enfant dépend.
« L’organisme humain à ses stades précoces, est incapable de provoquer cette action spécifique qui ne peut être réalisée qu’avec une aide extérieure et au moment où l’attention d’une personne bien au courant se porte sur l’état de l’enfant. Ce dernier l’a alerté, du fait d’une décharge se produisant sur la voie des changements internes (par les cris de l’enfant, par exemple). La voie de décharge acquiert ainsi une fonction secondaire d’une extrême importance : celle de la compréhension mutuelle. L’impuissance originelle de l’être humain devient ainsi la source première de tous les motifs moraux ».
On peut également retenir que les traces mnésiques des différents événements qui constituent l’expérience de satisfaction se trouvent associées du fait de leur contemporanéité : « Or, il existe une loi fondamentale d’association par simultanéité et cette loi joue au cours de l’activité ψ pure (durant la reproduction par le souvenir) et donne le fondement de toutes les connexions entre neurones ψ », une proposition qui ne se trouve pas démentie par les connaissances actuelles sur le phénomène de la mémoire.

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