dimanche 14 décembre 2008

Happy birthday, Mr DARWIN (1809-1882)

Si sur le sujet de la plasticité cérébrale, nous avons choisi au départ de citer Jean Pierre CHANGEUX, il convient également de se référer à Gerald M. EDELMAN.
Né en 1929 à New York, il a reçu en 1972 avec Robert PORTER le prix Nobel en médecine et physiologie pour des travaux qu’ils ont menés de façon indépendante sur la structure chimique des anticorps. Il est directeur du Neurosciences Institute, à La Jolla, en Californie, président de la Neurosciences Research Foundation et chef du département de neurobiologie du Scripps Research Institute.
Il a été le Président d’honneur du Congrès international sur le thème Biologie et conscience qui s’est tenu à Paris les 25, 26 et 27 avril 2002, au Conservatoire National des Arts et Métiers, congrès auquel j’ai eu la chance d'assister… ce qui tend à prouver que ma curiosité pour ce sujet remonte au moins à quelques années en arrière.
Il a écrit plusieurs ouvrages de vulgarisation tels que Biologie de la conscience (1992), Comment la matière devient conscience (2000), Plus vaste que le ciel – Une théorie générale du cerveau (2004) et un plus récent encore La science du cerveau et la connaissance (2007).
Elaborée à partir des années 1980, GM EDELMAN propose une théorie générale de l’organisation et du fonctionnement du cerveau très proche de celle de JP CHANGEUX, la théorie du darwinisme neuronal qui fait l’objet du chapitre 9 de Biologie de la conscience et qui est résumée dans le chapitre 4 de Plus vaste que le ciel ; elle est ainsi appelée parce qu’elle rend compte de l’organisation du réseau neuronal selon un processus de sélection de type darwinien : il s’agit de la théorie de sélection des groupes neuronaux qui est à rapprocher de la stabilisation sélective des synapses du développement épigénétique précédemment décrite.
L’intérêt de cette théorie et ce qui en fait toute sa portée, c’est que les modèles qui la constituent s’efforcent de rendre compte à la fois, de l’organisation et du fonctionnement du cerveau chez l’adulte, mais aussi de son mode de constitution à partir des phases initiales de l’embryogenèse jusqu’à la phase de maturité, mais encore qu’elle resitue ces processus dans le processus plus vaste de la sélection naturelle de l’évolution des espèces chère à DARWIN.
«Un principe simple régit la façon dont fonctionne le cerveau : il a évolué, c’est à dire qu’il n’a pas été conçu». (EDELMAN - Plus vaste que le ciel)
Dans cette optique, des analogies peuvent être mises en évidence entre ce qui s’observe au niveau du cerveau et d’autres phénomènes biologiques d’une toute autre nature tels que le codage génétique ou encore la réponse immunitaire. Dans tous ces cas, on retrouve une information susceptible d’être stockée, mémorisée, dupliquée même si cela se réalise sous différentes formes : séquence d’acides nucléiques pour l’ADN, conformation particulière des protéines pour les immunoglobulines, réseau de connexions entre neurones au niveau cérébral… La mise en place de ces systèmes d’information présentent un certain nombre de points communs, en particulier le fait qu’ils laissent place à une part très importante d’indétermination et le fait qu’ils évoluent et qu’ils ne deviennent efficients qu’au travers d’interactions avec le milieu extérieur…
Au plan de la génétique, seules des séquences très réduites du brin d’ADN correspondent véritablement au codage d’une protéine, un même acide aminé peut être codé par différentes séquences d’acides nucléiques, certains gênes peuvent s’exprimer alors que d’autres sont réprimés, il peut se produire des altérations de l’ADN sans que cela n’entraîne de conséquences, voire certaines de ces mutations peuvent se révéler bénéfiques en favorisant par exemple l’adaptation d’un individu à un changement survenu dans son milieu et peuvent contribuer ainsi à l’évolution des espèces…
Pour ce qui est du système immunitaire, il en va un peu de même : ce n’est qu’à partir du moment où l’immunoglobuline aura été en contact avec une structure protéique spécifique avec qui elle présente une certaine affinité qu’elle va pouvoir entrer en jeu dans la réponse immunitaire ; mais une protéine de structure voisine qui n’a jamais eu de contact avec un agent extérieur qui lui serait spécifique ne jouera aucun rôle. C’est le contact ou l’absence de contact avec un allergène donné qui va sceller le destin d’une protéine ; le statut immunitaire d’un sujet va donc être déterminé par les rencontres avec les différents allergènes qu’il a croisé sur son chemin.
Il est inutile de pousser plus loin ces analogies, mais elles suffisent à en écarter une autre qui a pu être tentante et qui tendait à rapprocher le fonctionnement du cerveau avec celui d’un ordinateur. EDELMAN insiste beaucoup sur ce point et répète à l’envi, le cerveau n’est pas un ordinateur :
«… le cerveau des animaux supérieurs construit de façon autonome des réponses structurées aux environnements qui sont riches en nouveauté. Et ils ne le font pas à la manière d’un ordinateur – en se servant de règles formelles régies par des instructions ou des signaux entrants explicites et sans ambiguïtés. Une fois de plus, avec du sentiment : le cerveau n’est pas un ordinateur, et le monde n’est pas une cassette enregistrée».
La référence au modèle informatique pour appréhender le fonctionnement du cerveau se heurte effectivement à un certain nombre d’obstacles. Le premier, c’est qu’il n’est pas envisageable de considérer que l’ensemble des réponses aux situations infiniment variées auxquels un individu va se trouver confronté puissent être programmées par avance… Les programmes informatiques sont dans leurs principes assez «carrés» et ils s’accommodent mal d’écarts, de variations, d’ambiguïté, d’indétermination, d'imprévisibilité... toutes choses qu’il est bien difficile d’éviter dans la vie réelle…
Certaines distinctions pertinentes dans le monde informatique qui existent par exemple entre données et programmes, entre logiciel et matériel (software et hardware en anglais) ne le sont plus lorsque nous considérons le cerveau : la plasticité cérébrale atteste que son fonctionnement affecte et détermine pour un part sa structure même… pour l’heure, aucun programme informatique, aussi sophistiqué soit-il, n’est en mesure de réaliser pareille prouesse.
Et puis, si l’on parle de programme, d’instructions… cela implique qu’il y ait un concepteur de ce programme. Certains mouvements actuels tendent à s’opposer à l’évolutionnisme et défendent des thèses créationnistes ou néo créationnistes du dessein intelligent (Intelligent Design en anglais), mais qu’il nous soit permis de mettre en doute leur valeur scientifique. Si donc nous voulons faire l’économie de l'hypothèse d’une intervention divine, extérieure à notre monde naturel, il n’est pas possible de répondre à cette question de la conception du programme.
Issue du modèle informatique, seule éventuellement pourrait être conservée l’analogie avec le réseau Internet dont le développement n’est pas incompatible avec une conception néo darwinienne (cf. Homo sapiens 2.0 de Gérard AYACHE déjà cité)…

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